Depuis le 1er Janvier, les Bourses s’affolent à nouveau dans le monde entier. Le Cac 40 à Paris a perdu 9,21% et le Dow Jones à New York 8,25%, le Dax allemand 11,15% etc. (Le monde du 17/18 Janvier 2016). Est-ce lié au ralentissement de la Chine ? Un « simple » réajustement ? Ou une nouvelle crise systémique après celle de 2008

Vive la crise !

Pourtant tout va bien pour le capital. Les gouvernements ont renoncé à lutter contre les paradis fiscaux (autour de 20000 milliards de dollars), le dumping fiscal et social. Ils ont renfloué les banques européennes en infligeant des mesures d’austérité et des contraintes violentes contre les peuples (plus durement sur la Grèce, le Portugal et l’Europe en général), et les bénéfices sont repartis à la hausse, tout comme les bonus des traders.

 

Ainsi l’année 2015 s’est particulièrement distinguée par une activité intense des « marchés ».
Selon les données de l’agence Reuters : « Le volume mondial des opérations a atteint au 18 décembre, 4.590 milliards de dollars, soit une progression de 41 % par rapport à 2014, renouant ainsi avec les niveaux d’avant crise. Le précédent record datait de 2007 avec un volume total de 4.123 milliards de dollars. ».
De son côté, le magazine Forbes a recensé « 1.826 milliardaires qui accaparent 7.000 milliards de dollars, soit 10% de plus que l’an dernier, un record absolu depuis 30 ans. 290 personnes ont rejoint ce club, dont 71 Chinois. On y trouve aussi plus de jeunes : ils sont 46 à avoir moins de 40 ans, ce qui n’était jamais arrivé jusqu’alors. »

Ces chiffres parlent d’eux-mêmes, une phase du capitalisme vient de s’ouvrir, qui pourrait se traduire par une nouvelle crise mondiale alors que nous subissons toujours les effets de celle de 2008.

La Chine ?
Les importantes liquidités générées par les banques centrales, mais aussi l’endettement massif, la dévaluation des actifs financiers par rapport aux véritables investissements, bref, il semblerait que tous les ingrédients d’une nouvelle crise systémique s’organisent comme lors de la crise de 2008. La Chine n’en serait que le signe prémonitoire. Toutefois avant de l’imputer à la décélération de l’économie chinoise, peut-être faudrait-il revenir au fonctionnement du Capital globalisé lui-même, pour noter qu’autre que la spéculation classique, les « fusions-acquisitions » y participent grandement.

Les « Fusions acquisitions », instrument de cette « nouvelle » richesse.
Les fusions acquisitions ou rachats d’entreprises, permettent d’éliminer un concurrent gênant et/ou de prendre la main sur certains éléments de sa production, son R&D, son savoir faire, tout en liquidant des départements entiers de l’entreprise rachetée ou l’entreprise elle-même en totalité, rejetant partie ou totalité des salariés.
Dans cette économie « cannibale », cela se traduit seulement par une nouvelle répartition pour une concentration plus élevée du capital. Il ne fait que changer de mains, mais avec des conséquences terribles pour l’emploi et l’économie d’un pays, qui viennent s’ajouter aux effets des nouvelles technologies et de la « révolution internet ».

Ainsi aux Etats Unis, les fusions et acquisitions, se sont succédées à un niveau jamais égalé jusque là. Et pour Goldman Sachs et JP Morgan les prévisions 2016 étaient même euphorisantes : « Les indicateurs sont là pour une nouvelle année de croissance », « il n’y a pas de raison pour que cette dynamique s’interrompe ». Et Merrill Lynch d’estimer que « la croissance devrait s’établir entre 15 et 20% ». Erreur d’analyse ou lecture hypocrite pour une technique qui se résume ainsi : « Je te tue avant que tu ne me tues, toi, tes produits et tes salariés, pour devenir plus riche ».

La France n’est pas en reste. La Banque de France a souligné en 2014 que :
« Trente cinq groupes ont ainsi mené au premier semestre 2014 une politique de croissance externe dynamique – ciblée notamment sur les pays émergents en expansion – dans le but d’étendre ou de diversifier leurs activités, mais aussi de rechercher et développer des synergies. Parallèlement, ces stratégies se sont accompagnées d’un repositionnement géographique ou sectoriel, qui a amené d’autres groupes, une vingtaine environ, à céder des actifs périphériques et donc à réduire leur périmètre. (..) Les groupes renforcent leur trésorerie sans peser sur la rémunération des actionnaires. Fin juin 2014, les grands groupes détiennent une trésorerie cumulée de 151 milliards d’euros. Ce volume de liquidités est le plus élevé jamais constaté à la fin d’un mois de juin sur les six années sous revue. ». Au moment ou Hollande décide de leur attribuer 41 milliards !

Ce n’est pas une technique nouvelle. Mais le niveau sans précédent qu’elle a atteint ces dernières années est tel qu’il inquiète des économistes et même le journal Le monde de l’économie, le chantre de l’économie libérale (voir sa livraison du 10 décembre 2015!) : « En France, après avoir subi les rachats de la branche énergie d’Alstom par GE, de Laffarge par Holcim et d’Alcatel par Nokia, le pays assiste à un nouvel épisode de la guerre des télécoms avec l’appétit d’Orange pour Bouyges Télécom », « Le premier objectif poursuivi est la réduction de la concurrence. Acheter des parts de marché pour faire remonter les prix. Réduire le nombre d’acteurs est donc le mot d’ordre. Le temps des oligopoles est revenu ».

Aujourd’hui Général Electric annonce 6500 licenciements dont sept à 800 en France.

Les fusions acquisitions tueuses d’emplois.
C’est la Direction du Trésor français qui le dit elle-même :
« Les effets des opérations de fusion/acquisition sur l’emploi sont potentiellement conditionnés au fonctionnement du marché du travail et/ou aux conditions dans lesquelles les entreprises peuvent se financer. »,
« La croissance de l’emploi des sociétés rachetées se fait potentiellement au détriment des autres filiales (réallocation des ressources du groupe) »,
« Quand bien même les dépenses de R&D des sociétés rachetées augmenteraient ex post, celles-ci se substituent potentiellement aux dépenses de R&D de l’acquéreur, ce qui rend l’impact agrégé incertain. »
Et enfin : « Sur données françaises, plusieurs travaux ont montré que les entreprises sous contrôle étranger ont une propension plus élevée à délocaliser leurs activités. » (Les Cahiers de la DG Trésor –Novembre 2014).

Lorsque l’on sait que près de 50% du capital des banques françaises et des entreprises du Cac 40 sont des capitaux étrangers, on mesure ce qui peut nous attendre. C’est ainsi qu’une nation perd son pouvoir d’agir et se retrouve soumise à ses créanciers (à des conditions criminelles et liberticides, comme en Grèce).

Et revoilà les « licenciements boursiers », qui devraient au moins être contrôlés, taxés, ou interdits, redevenir une variable d’enrichissement financier,

Au contraire, jusque là aucun gouvernement depuis 30ans – y compris social démocrate – n’est intervenu soit en faveur du maintien de l’entreprise, soit en la nationalisant si sa production est importante pour l’emploi et la nation, soit pour défendre les droits des salariés promis à un avenir de chômage. Jospin 1er Ministre de Mitterrand l’avait avoué dans les années 1980 : « l’Etat ne peut rien ». Montebourg l’a tenté et il s’est heurté au libéralisme des Hollande/Valls. Il a démissionné. Entre temps le gouvernement social démocrate est devenu social libéral.

Les subventions sont toujours données à des entreprises (comme à l’Indien Mata) qui, une fois avoir épuisé toutes les sources des facilités financières offertes par un gouvernement, tirent leur révérence, en laissant derrière elles des territoires dévastés, sans que l’Etat leur demande quoi que ce soit.
Sans parler du scandaleux CICE, ces 41 milliards concédés par Hollande en contre partie « sine qua non » de la création de un million d’emplois. En fait le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter.

Tout un courant politique de droite et de centre gauche se développe, attentif aux « besoins » du patronat qui aurait tort de ne pas en profiter, et qui continue son offensive en réclamant la suppression de toute législation sociale et redistributive. On voit même poindre la tentation de rendre le chômeur responsable de son chômage.

In fine ce sont les Etats, c'est-à-dire la collectivité, les citoyens, qui subissent les dégâts économiques et sociaux : désertification industrielle, reclassements à des conditions inférieures quand ils existent, formations sans emplois disponibles, recrudescence du chômage, dommages environnementaux, etc.

Pourquoi, alors, dans ce contexte, s’étonner en Europe, de la montée des « extrémismes », des « populismes » ? Ou aux Etats Unis du Tea Party et de la candidature de Donald Trump ?

Tous les éléments d’une nouvelle crise capitaliste sont en place. Sera-t-elle courte ou non ? Personne ne peut le prévoir. Si elle n’a pas lieu aujourd’hui, elle aura lieu demain.

D’autre part, le danger existe toujours que le capitalisme résolve, comme bien souvent, ses contradictions par des guerres.

Crise économique et guerres
Le capitalisme ne fonctionne que par vagues successives de « destruction », la « recréation » se faisant qu’au seul bénéfice du capital tant que les gouvernements continueront de gérer en répondant aux seuls besoins des entreprises, du capital.

Celle de 2008 jusqu’à nos jours, a jeté des millions de personnes dans la précarité, la misère avec les politiques de récession, un chômage de masse, l’absence d’une politique sociale et l’effondrement de l’Etat Providence. Elle se complique pour les citoyens européens de la construction de cette Europe de la libre circulation du capital, soumise au dogme de la contrainte budgétaire.

Certes, dans les « pays émergents » des « classes moyennes » sont apparues comme en Chine ou dans les BRICS. Elles ne représentent toutefois qu’une part infime des habitants de ces pays. Car pour l’essentiel, leur développement – basé sur l’exportation et une exploitation sauvage - dépend encore, en partie ou en tout, des conditions imposées pays « riches» qui ont entre leurs mains, les moyens de peser sur leur développement, par la spéculation sur les cours des matières premières, ou la détention globale des moyens de crédit avec le FMI et la Banque Mondiale.

La tentative de Chavez au Venezuela avec sa banque alternative (établie sur la richesse que représentait hier encore le cours du pétrole) ; la création entre la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud d’une sorte d’« union monétaire », dont la force dominante est la Chine, voulaient leur permettre d'échapper au créancier mondial.

Ces tentatives ne sont, malgré tout, qu’un petit pied de nez au FMI.
Les cours du pétrole s’effondrent. Et la Chine, après s’être vue précédemment acceptée dans l’OMC, a tout fait pour que sa monnaie soit inscrite dans le panier du FMI. Une broutille, certes, mais qui confirme que le « communisme » chinois s’accommode fort bien du capitalisme, tout en administrant le pays d’une main de fer, par une sorte de communisme de « guerre » qui interdit toute liberté individuelle, d’associations, de syndicats, de partis.
Un dangereux modèle exportable qui vient à point renforcer le capitalisme dans sa course au moindre coût. Ce dernier peut ainsi réduire les salaires et les « charges sociales » pour augmenter la rémunération de ses actionnaires, tout en affaiblissant, décrédibilisant les syndicats, et en soumettant les gouvernements à sa loi.

Mais la guerre économique s’accompagne bien souvent d’affrontements armés. Et ces guerres là font rage depuis la fin de la seconde guerre mondiale de préférence aux périphéries de l’Empire.
Aujourd’hui elles se déroulent au Moyen Orient. Ces guerres pensées ou manipulées qui partent du cœur du système impérial, essentiellement les Etats unis d’Amérique du Nord soutenus par ses féaux européens et autres, se réalisent sous la bannière du « choc des civilisations », « pour la démocratie » ou encore la « guerre contre le terrorisme ».
Elles viennent renforcer les effets de la crise économique, mettent en place des sociétés « sécuritaires » qui vont juguler toute pensée et action autonome, socialisante, et bloquent tout développement harmonieux politique, économique, social et culturel.

Plus que jamais il est impératif de lutter contre les guerres impérialistes, de reconstruire les solidarités, de réunir les forces anti capitalistes pour relancer les bases d’un projet socialiste autogestionnaire.

Danielle Riva, Janvier 2016