La révolution russe 1917

Alexandra Kollontai adresse aux femmes

Les travailleuses et travailleurs de notre pays font maintenant face à une tâche sérieuse d’une grande responsabilité. Nous devons construire la nouvelle Russie, une Russie dans laquelle les travailleurs, employés, domestiques, ouvriers, couturières et celles qui sont simplement femmes des travailleurs, auront une vie meilleure que celle qu'ils avaient pendant le règne maudit de Nicolas le sanglant.

Cependant, la tâche de consolider la victoire et le pouvoir d'état en faveur du prolétariat et de la petite paysannerie, d’élaborer et exécuter une législation telle qu’elle limitera les appétits des exploiteurs capitalistes et défendra les intérêts des ouvriers, n'est pas la seule tâche à laquelle doivent faire face les travailleurs et travailleuses de Russie.

Le prolétariat de Russie occupe maintenant une position spéciale par rapport aux travailleurs et travailleuses des autres pays. La grande révolution russe nous a placés, travailleurs et travailleuses russes, au premier rang du collimateur de ceux qui combattent la cause et les intérêts des ouvriers dans le monde. Nous pouvons parler, écrire et agir plus librement que les travailleuses et travailleurs d'autres pays.

Comment dès alors, nous pourrions nous pas employer cette liberté, gagnée par le sang de nos camarades, à concentrer sans tarder nos forces, les forces des femmes du prolétariat, pour mener une inlassable lutte de masse en vue d’en finir le plus vite possible avec la guerre mondiale ?

Nos camarades femmes, les travailleuses d'autres pays, nous attendent pour emboîter ce pas.

La guerre est maintenant le mal le plus redoutable s'accrochant à nous. Tandis que la guerre continue nous ne pouvons pas construire la nouvelle Russie, ne pouvons pas résoudre le problème du pain, de l'alimentation, nous ne pouvons pas interrompre la croissance du coût de. Tandis qu’avec chaque heure qui passe la guerre continue à tuer et estropier nos enfants et maris, nous, femmes du prolétariat, ne pouvons pas être en paix !...

Si notre première tâche est d'aider nos camarades à construire la nouvelle Russie démocratique, notre deuxième tâche, non moins urgente et tout autant chère à nos cœurs, est celle de réveiller les travailleuses pour déclarer la guerre à la guerre.

Cela signifie d’abord expliquer constamment aux travailleuses et travailleurs que ce n'est pas notre guerre, qu'elle est faite au nom des intérêts financiers des grands patrons, des banquiers et des fabricants. Cela signifie aussi unir les forces des travailleuses et des travailleurs autour de ce parti qui défend non seulement les intérêts du prolétariat russe, mais se bat aussi épargner au sang des prolétaires de couler pour la gloire des capitalistes.

Camarades ouvrières !

Nous ne pouvons plus nous résigner à la guerre et à la hausse des prix ! Nous devons nous battre. Rejoignez nos rangs, les rangs du parti social-démocrate du travail ! Cependant, cela ne suffit pas de rejoindre le parti. Si nous voulons vraiment accélérer la paix, les travailleurs et travailleuses doivent battre pour permettre que le pouvoir d'état soit transféré des mains des grands capitalistes - ceux qui sont vraiment responsables de tous nos chagrins, de tout le sang versé sur les champs de bataille - aux mains de nos représentants, les députés des Soviets des soldats et ouvriers.

Dans la lutte contre la guerre et la hausse des prix, dans la lutte pour garantir le pouvoir en Russie pour les dépossédés, pour les travailleurs, dans la lutte pour un nouvel ordre et de nouvelles lois, beaucoup dépend de nous, les ouvrières. On compte les fois où les succès dans la cause des ouvriers n’ont dépendu que de l’organisation des seuls hommes. Maintenant, suite à cette guerre, il y a eu un changement aigu de la position des femmes du prolétariat. On rencontre maintenant partout le travail des femmes. La guerre a forcé les femmes à prendre des emplois auxquels elles n’auraient jamais pensé auparavant. Tandis qu'en 1912 il n’y avait que 45 femmes pour 100 hommes travaillant en usines, il n'est maintenant pas rare de trouver 100 femmes pour 75 hommes.

Le succès de la cause des ouvriers, le succès de la lutte des ouvriers pour une vie meilleure – journée de travail, salaire, assurance maladie, assurance chômage, pensions de vieillesse, etc. - le succès de leur lutte pour défendre le travail de nos enfants, pour obtenir de meilleures écoles, dépend maintenant non seulement de la conscience et de l'organisation des hommes, mais du nombre d'ouvrières entrant dans les rangs du prolétariat organisé. Plus nous entrerons dans les rangs des militants et plus tôt nous ferons reculer les capitalistes.

Toute notre force, tout notre espoir, se trouve dans l’organisation !

Maintenant notre mot d’ordre doit être : camarade ouvrières ! Ne soyez pas isolées. Isolées, nous ne sommes que des fétus de pailles que n'importe quel patron peut tordre à sa volonté, mais organisées nous sommes une force puissante que personne ne peut briser.

Nous, les ouvrières, étions les premières pour dresser le drapeau rouge aux jours de la révolution russe, les premières pour sortir dans les rues lors de la Journée des femmes. Empressez-vous maintenant de rejoindre les rangs des principaux militants pour la cause des ouvriers, rejoignez les syndicats, le parti social-démocrate, les Soviets des ouvriers et soldats !

Nos rangs se sont unis, nous viserons à mettre rapidement fin à la guerre sanglante entre nations ; nous nous opposerons à tous ceux qui ont oublié le grand précepte d’unité prolétarienne, de solidarité ouvrière internationale.

Ce n'est que dans la lutte révolutionnaire contre les capitalistes et dans l'union avec les travailleuses et travailleurs du monde entier, que nous réaliserons un nouvel avenir, plus radieux : la fraternité socialiste des ouvriers.

Article paru dans le magazine « Rabot itsa », Petrograd, 1917, n° 1-2, pp. 3-4

Archives marxistes

 

Alexandra Kollontaï

Née en 1872 à Saint-Pétersbourg. Elle prend le nom Kollontaï après son mariage en 1896. La même année, elle quitte la Russie pour l’université de Zürich, où elle étudie l’économie politique, et fait la connaissance de plusieurs personnalités politiques, dont Lénine et Rosa Luxembourg en Allemagne, et Paul Lafargue en France. Dès 1898, elle prend parti et adhère au marxisme. En 1907, elle engage de son côté sa propre guerre en faveur de l’émancipation de la femme.

Après son retour en Russie, elle intègre le POSDR « parti ouvrier social-démocrate de Russie » (parti marxiste révolutionnaire qui comprendra deux fractions les mencheviks et les bolchevicks) et rejoint les mencheviks en 1903 qu’elle finira par quitter en 1914. Elle intervient brillamment lors de la première conférence de l'Internationale socialiste des femmes en 1907.

En 1910, en compagnie de Clara Zetkin, une femme politique d’origine allemande, elle obtient du congrès de l’Internationale de Copenhague la Journée internationale des femmes du 8 mars.

Alexandra Kollontaï s’oppose à la Première Guerre mondiale et intègre le clan des bolcheviks en 1915. En 1917, de retour au pays après s’être expatriée en Europe et aux États-Unis, elle prend part à la révolution russe de 1917.

En novembre de la même année, elle est promue Commissaire du peuple à l’Assistance publique. Un poste équivalent au ministre de la Santé actuel et qui fait d’Alexandra Kollontaï, la première femme de l’histoire à être membre d’un gouvernement.

En 1917, Alexandra Kollontaï parvient à obtenir le droit de vote, le droit pour les femmes d’être élues, le droit au divorce, un salaire égal à celui des hommes, l’accès à l’éducation, des congés de maternité et l'égalité de légitimation entre les enfants réglementaires et naturels.

En 1918, elle quitte le parti bolchevik pour le parti communiste de gauche, chez qui elle fonde et dirige aux côtés d’Alexandre Chliapnikov le sous-parti Opposition ouvrière en 1920.

En 1920, elle obtient le droit à l’avortement. Entre 1921 et 1922, elle est nommée à la place de secrétaire général au Kominterm, au secrétariat international des femmes.

Entre 1940 et 1944, Alexandra Kollontaï accompagne la négociation des cessations des hostilités entre la Finlande et l’URSS. Alexandra Kollontaï quitte la scène politique vers la fin du premier trimestre de l’année 1945.

En 1946, de nombreux hommes diplomates finlandais ont proposé sa candidature au Prix Nobel de la paix. Alexandra Kollontaï est morte à Moscou en 1952.