Voici ce que les médias ne vous ont pas dit au sujet des récents essais de missiles de la Corée du Nord

Le 28 Août la Corée du Nord a tiré un missile balistique de portée intermédiaire, Hwasong-12, sur l’île d’Hokkaido au Japon. Le missile a atterri dans les eaux situées au-delà de l’île sans nuire ni aux personnes ni aux biens. Les médias ont immédiatement condamné l’essai comme un « acte audacieux et provocateur » qui montre ainsi sa défiance envers les résolutions de l’ONU et le « mépris de ses voisins ».

Le Président Trump a vivement critiqué l’essai de missile en disant : « cet acte provoquant, menaçant et déstabilisant ne pourra qu’accroître l’isolement du régime nord-coréen dans la région et parmi toutes les nations du monde. Toutes les options sont sur la table ».

Ce que les médias ont omis de mentionner est que, pour les trois dernières semaines, le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis ont participé à des exercices militaires interarmées à grande échelle sur l’île d’Hokkaido et en Corée du Sud. Ces jeux de guerre inutilement provocateurs sont conçus pour simuler une invasion de la Corée du Nord, une opération de « décapitation » pour supprimer (cad : tuer) le régime. Le chef suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un a demandé aux Etats-Unis à plusieurs reprises de mettre fin à ces exercices militaires, mais les États-Unis ont refusé obstinément. Les Etats-Unis se réservent le droit de menacer quiconque, n’importe quand et n’importe où et même à sa porte. Cela fait partie de ce qui fait des Etats-Unis une exception.

Voici ce que l’on pouvait lire dans un article de Fox News :

« Plus de 3 500 soldats américains et japonais ont participé à un exercice militaire conjoint de plusieurs longues semaines, dans le contexte d’un régime nord-coréen de plus en plus belliqueux. L’exercice, surnommé : Nord 17 Viper, se déroulera sur Hokkaido, île principale du Japon la plus au nord — et durera jusqu’au 28 août. », « Nous testerons notre puissance non seulement dans l’air, mais aussi sur le plan du soutien logistique », le colonel R. Scott Jobe, le 35e commandant d’escadre de chasse, a déclaré dans un communiqué « Nous avons là, un emplacement idéal pour tester des opérations d’urgence et cet exercice est uniquement fondé sur la possibilité qu'un tel scénario puisse réellement se produire. »  (« Les troupes Us et les   troupes japonaises réalisent un exercice militaire conjoint sous la menace de la Corée du Nord », Fox News)

Le tir de missile qui a survolé l’île de Hokkaido a été effectué quelques heures à peine après les manœuvres terminées. Le message était clair : le Nord ne se laissera pas être publiquement humilié et provoqué sans répondre. Plutôt que de montrer sa faiblesse, la Corée du Nord a démontré qu’elle était prête à se défendre contre une agression étrangère. En d’autres termes, le test n’était pas un « acte audacieux et provocateur » (comme les médias l’ont suggéré), mais une réponse modeste et bien pensée par un pays qui a connu pendant 64 ans les harangues guerrières, les menaces de sanctions, la diabolisation et les bruits de bottes venant de Washington.

Le Nord a répondu parce que les menaces de Washington exigeaient une réponse. Fin de l’histoire.

Et cela vaut pour les trois autres missiles balistiques à courte portée que le Nord a testé la semaine dernière. (Dont deux auraient apparemment explosé peu après leur lancement). Ces essais constituent une réaction aux 3 semaines de manœuvres militaires conjointes en Corée du Sud, soit 75 000 soldats accompagnés de centaines de chars, véhicules blindés, engins de débarquement, artillerie lourde, une flotte navale complète et les survols par des escadres de chasseurs et de bombardiers stratégiques. Le Nord devait-il sommeiller tandis que cet affichage menaçant d’une force militaire brutale a eu lieu sous son nez ???

Bien sûr que non. Imaginez la Russie engagée dans une opération similaire sur la frontière du Mexique, tandis que la flotte russe réaliserait « à tir réel » des exercices à trois milles de la baie de San Francisco ! Que pensez-vous de ce que serait la réaction de Trump ? Il ferait bombarder les bateaux plus rapidement que l’on pourrait dire « Jackie Robinson », pas vrai ?

Alors pourquoi deux poids deux mesures quand il s’agit de la Corée du Nord ? Ce qui est bon pour l’un doit l’être aussi pour l’autre.

La Corée du Nord devrait être applaudie pour montrer qu’elle ne se laissera pas intimider par une terreur de cour d’école. Kim sait que toute confrontation avec les Etats-Unis se terminera mal pour son pays, pour autant, il n’a pas cédé ou permis d’être bousculé par les fanfaronnades, intimidantes des voyous de la maison blanche. Bravo Kim.

Par ailleurs, la réponse de Trump au test de missile de lundi a été à peine couverte par les médias traditionnels pour une bonne raison. Voici ce qui s’est passé deux jours plus tard :

Mercredi, un groupe de chasseurs F-35 B, de F-15, et de bombardiers B-1 B dirigés par les Usa, a manœuvré militairement à l’est de Séoul. Les B-1 B, qui sont des bombardiers nucléaires pouvant voler à basse altitude, ont largué des bombes désarmées sur le site avant de revenir à leur base. La démonstration de force visait à prévenir Pyongyang que Washington était mécontente du test de missiles balistiques de la Corée du Nord et prête à utiliser des armes nucléaires contre la Corée du Nord si elle ne tenait pas compte des diktats de Washington.

Donc Washington est prête à utiliser l’arme atomique contre la Corée du Nord si elle ne fait pas ce qu’on lui dit ?

On le dirait bien, mais qui sait vraiment ? En tout état de cause, Kim n’a aucun autre choix que de rester ferme. S’il montre des signes de faiblesse, il sait qu’il va finir comme Saddam et Kadhafi. Et, bien sûr, le Nord veut éviter un scénario à la Kadhafi à tout prix. (Kim a menacé de tirer des missiles dans les eaux entourant Guam c’est parce que Guam est la base de l’Anderson Airforce où stationnent les bombardiers B-1 B qui ont survolé de manière menaçante la péninsule coréenne pendant un certain temps. Le Nord a compris qu’il devait face comme il se doit à cette menace existentielle.

C’est mieux pour les médias de donner l’impression que Kim aboie de toutes ses forces contre des Etats-Unis « totalement innocents », un pays qui ne cherche qu’à préserver la paix partout où il se trouve ?

Faisons une pause !

C’est tellement difficile de trouver quoi que ce soit dans les médias qui ne reflète pas la partialité et l’hostilité de Washington. Étonnamment, il y a eu un assez bon article de la CBS News rédigé par un ancien officier du renseignement de l’Ouest avec des décennies d’expérience en Asie. C’est le seul article que j’ai trouvé qui explique exactement ce qui se passe réellement au-delà de la propagande.

 « Avant l’investiture du Président Trump, il était clair que la Corée du Nord attendait que l’Administration Us se soit installée et voulait lui donner le temps de mettre en place une nouvelle politique étrangère et proposer quelque chose de mieux que du temps du président Obama. Le seul hic a été que les Etats-Unis se sont lancés à pleine-vapeur dans leurs exercices annuels conjoints avec la Corée du Sud (et surtout accompagnés de menaces de « décapitation » et de survols de bombardiers stratégiques sur la péninsule coréenne), le Nord ne pouvait que réagir fortement. »

Bref, les États-Unis ont agi, et le Nord a réagi. Ensuite des contacts en coulisses de haut en bas, mais qui n’avaient aucuns intérêts. En avril, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a fait défiler ses nouveaux missiles comme un avertissement, sans résultat. Le régime a lancé ses nouveaux systèmes de défense, l’un après l’autre. Pourtant, l’approche de Washington « n’a pas changé. » (Analyse : « Comment Pyongyang voit la crise entre la Corée du Nord et les États-Unis », in CBS News)

OK, alors maintenant nous connaissons la vérité : le Nord lui a répondu de la meilleure manière, car Washington ne veut pas négocier, mais préférerait bloquer toute intervention de la Russie et de la Chine, durcir l’embargo et faire des menaces de guerre. C’est la solution de Trump.

« Le 4 juillet, après le premier lancement réussi de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) de la Corée du Nord, Kim a envoyé ouvertement un signal sur le fait que le Nord pourrait mettre le programme de l’arme nucléaire et des missiles « sur la table » si les Etats-Unis changeaient d’attitude. Les Etats-Unis n’ont pas répondu, alors le Nord a lancé un autre ICBM, donnant   délibérément un avertissement aux Etats-Unis pour qu’il soit pris très au sérieux. Pourtant, plusieurs vagues de bombardiers B-1 ont tournoyé au-dessus de la péninsule, et le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté de nouvelles sanctions. » (CBS News)

Donc, le Nord était prêt à faire quelques négociations âpres et sérieuses, mais les Etats-Unis ont rechigné. Kim a probablement entendu parler de Trump l’affairiste magouilleur et a pensé qu’il pourrait en tirer quelque chose. Mais ce n’est pas arrivé. Trump s’est avéré être plus combattif qu’Obama. Non seulement, il a refusé de négocier, mais il éructe de manière belliqueuse presque tous les jours. Ce n’est pas ce qu’attendait le Nord. Il s’attendait à un chef « non interventionniste » plus réceptif à un compromis.

La situation actuelle a laissé Kim sans aucune autre option. Il peut soit céder et mettre fin à son programme de missiles ou augmenter la fréquence des tests et espérer qu’elle ouvre la voie à des négociations. Kim a choisi cette dernière tactique. A-t-il fait un mauvais choix ? Peut-être. Est-ce un choix rationnel ? Oui.

Le Nord fait le pari que ses programmes d’armes nucléaires seront précieux pour négocier dans le futur avec les États-Unis. Le Nord n’a aucun plan pour attaquer nucléairement la côte ouest des États-Unis. C'est ridicule ! Cela ne mène à rien sauf à la destruction. Ce qu’il veut c’est préserver son régime, obtenir des garanties de sécurité par Washington, la levée de l’embargo, la normalisation des relations avec la Corée du Sud, la sortie des États-Unis de la péninsule et en finir (j’espère) avec l’occupation Us depuis 64 ans et ses provocations. « Yankee go Home ». S’il vous plaît.

Résultat final : la Corée du Nord est prête à faire face. Elle veut des négociations. Elle veut mettre fin à la guerre. Elle veut reléguer ce cauchemar dans le passé et se consacrer à sa vie. Mais Washington ne la laissera pas faire, parce que Washington apprécie le statu quo. Washington veut une présence permanente en Corée du Sud pour encercler la Russie et la Chine avec des systèmes de missiles léthaux et étendre son emprise géopolitique, ce qui peut porter le monde à un Armageddon nucléaire.

C’est ce que veut Washington, et c’est pourquoi la crise dans la péninsule continuera de bouillir.

4 septembre 2017

Counterpunch