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Venezuela :

Ils préparent un gouvernement de « transition » !
Non au Putsch impérialiste !

Nous en sommes à la dernière phase d’un coup d’Etat qui a commencé sous l’administration d’Hugo Chávez, lorsqu’ils l’ont renversé et placé en détention avant d’être vaincus par la mobilisation populaire. Déjà à l’époque les golpistes disaient se dresser contre la dictature alors qu’ils organisaient des manifestations et participaient aux élections successives qu’en général ils perdaient, et lorsqu’ils les remportaient, celles-ci n’étaient pas contestées par le gouvernement.

Sous Chavez et son successeur Nicolas Maduro, les partis de l’opposition ont continué à fonctionner, tout comme la presse, bien qu’elle joue la déstabilisation et soit véhémente et factieuse. Seuls, étaient réprimés : les appels à l’insurrection, au meurtre, les incendies contre les bâtiments institutionnels, les guarimbas (barricades de rue) semi-insurrectionnelles pour tester la résistance des armées.

Parler de dictature est stupide et ridicule. Maduro n’est pas un dictateur : c’est un homme politique incapable et ignorant qui représente un secteur minoritaire et arriviste d’une bourgeoisie vénézuélienne criminelle et soumise aux États-Unis, qui s’est développé avec la corruption, les privilèges d’Etat, le vol et la corruption.
Hugo Chávez a été très populaire car bien qu’il ait eu également foi en une possible transformation du Venezuela du haut vers le bas par le biais de politiques d’Etat et de méthodes bureaucratiques, il a évolué vers la gauche, à partir d’une approche sociale/chrétienne et du désir de lutter contre la corruption et la bureaucratie, en renforçant les prémisses du pouvoir populaire : les Missions (une série de programmes sociaux) et, les Communes (espaces du nouveau socialisme).

Chavez avait tendance à s’appuyer sur les masses, et non sur les forces armées bolivariennes (FAB) dont dépend Maduro, parce qu’en tant que militaire qui a connu un succès en cassant la discipline de l’armée, il savait qu’elles ne sont pas homogènes, que la base ne pense pas comme les généraux et que 80% des FAB ne sont pas politiquement sûres. Le gouvernement de Chavez, malgré ses erreurs, était solide et populaire.

Celui de Maduro, au contraire, a réprimé les syndicats et le mouvement ouvrier, soumis les Missions et les Communes et s’est appuyé uniquement sur l’appareil politico-militaire et le PSUV qui n’est pas un parti, mais une machine électorale, sans démocratie interne, sans médias de masse et qui est dirigé en suivant l’exemple cubain, par la caste/classe bureaucratique et stalinienne qui a conduit l’Union soviétique à l’abime.

Juan Guaidó, le président autoproclamé, prend appui sur les capitalistes et les classes moyennes les plus riches, mais aussi sur la haine de la bolibourgeoisie corrompue et arrogante, cette bourgeoisie « Bolivarienne », qui a remplacé en partie le chavisme original. Alors qu’il faudrait canaliser les manifestations contre le vol des biens publics, l’inefficacité de nombreux gestionnaires des entreprises d’Etat, la faim, mettre fin aux difficultés quotidiennes, à une dévaluation permanente, une inflation de 1000 % qui empêche de calculer les coûts et paralyse l’économie (la production d’acier a chuté de 80 %, celle du pétrole est tombé à moins de la moitié).

La force de Guaido, marionnette de l’impérialisme, réside dans la menace de Trump, des agents de Washington au Brésil, en Argentine, au Pérou, en Colombie, qui l’ont immédiatement reconnu comme président. Cependant, ils ne sont pas tous putschistes ni pro-impérialistes parce que beaucoup ne le suivront pas dans une tentative de coup d’Etat sanglant même s’ils sont contre Maduro, qu’ils veulent punir ou corriger en soutenant l’opposition. C’est pourquoi Guiado insiste sur son appel pour des élections parce qu’il pense les gagner même en se passant des millions de ses électeurs qui ont eu les moyens d’émigrer.

Le gouvernement légal de Maduro, montrant sa faiblesse, négocie secrètement avec un golpiste hors la loi qui organise les événements et parcourt les rues sans aucun problème. Il formalise ainsi un accord entre une partie de la bolibourgeoisie qui commande les FAB et les golpistes pro-impérialistes, qui donnera peut-être vie à un infâme gouvernement militaro-civil « d’unité nationale » qui exclura Maduro. Les agents impérialistes, avec le soutien international, se débarrasseront de la droite militaire ex-chaviste et créeront une dictature féroce, appuyée par des troupes étrangères pour faire face à la résistance farouche du peuple chaviste et d’un secteur militaro-nationaliste armé par la Russie.

La faiblesse de Maduro ouvre la voie à ce projet criminel, à une guerre civile avec intervention américaine et des gouvernements de droite voisins, et probablement aussi avec la Russie et la Chine que Trump veut expulser de l’Amérique latine. Sans attendre l’initiative de qui que ce soit, comme lorsque Chavez a été évincé, il faut lutter contre ce coup d’Etat et y compris créer les conditions pour remplacer Maduro et en terminer avec les exploiteurs et les voleurs.

Non à des négociations secrètes ! Non au coup d’Etat impérialiste et à un gouvernement d’unité nationale ! Des armes pour les syndicats et les organisations populaires !

Mexico, 1er février 2019

 

En dépit de la corruption et de l'impuissance du gouvernement :

Lutter contre le coup d'état impérialiste

La position à tenir vis-à-vis de la proclamation unilatérale de Juan Guaidó en tant que président du Venezuela divise les gauches et crée confusions et polémiques. Essayons de clarifier un peu les choses.

En effet, la catastrophe économique au Venezuela est terrible et elle n'est pas due seulement au sabotage des États-Unis.

Cuba, à la différence du Venezuela, est un pays pauvre en ressources qui souffre depuis des décennies d'un blocus infâme, mais ne vit pas la situation dramatique du Venezuela qui est beaucoup plus riche, où il y a de la famine en raison d’une inflation gigantesque et du marché noir, terribles pour les plus pauvres.

Sur L'île, il y a aussi un capitalisme d'Etat bureaucratique dirigé par un parti unique sans démocratie interne, mais il y a des tentatives bureaucratiques de démocratisation. Le gouvernement de Maduro, en revanche, a poussé à l’extrême les tendances déjà visibles sous Chávez et que celui-ci a tenté de combattre avec les Missions et les Communes.

Le gouvernement de Maduro a énormément développé la corruption de la bolibourgoisie (nouvelle bourgeoisie à laquelle participe le Haut commandement militaire créé par l'Etat, bénéficiant de privilèges et organisant la contrebande), et mis fin aux prémices du pouvoir populaire en réprimant les travailleurs. La nouvelle majorité a détruit les bases de l'économie vénézuélienne avec sa politique aveugle basée sur l'exportation du pétrole, de l'or et de minéraux.

L'Opposition est composée de partis qui, lorsqu'ils ont gouverné, ont procédé pour toute action démocratique à des massacres massifs de travailleurs (ex. Caracazo : près de 3000 morts en février 1989). Ils ont été putschistes contre Chavez qui était massivement élu à chaque élection quand il se présentait et ils ont continué à être putschistes contre Maduro. Ils ont boycotté les élections de l'Assemblée Nationale totalement chaviste ; ensuite, ils ont continué à tenter de renverser le gouvernement légitime par des manifestations violentes, et même de tuer Maduro. Ils ont de nouveau boycotté les élections présidentielles qui ont réélu Maduro contre le candidat d'opposition.

En dépit de la catastrophe économique, de la pourriture du gouvernement de Maduro qui est soutenu par les militaires et la bolibourgeoisie, ces partis sont minoritaires. Le "Président" Putschiste Juan Guaidó ne représente qu'un parti d’extrême droite qui compte essentiellement sur le soutien des États-Unis.

Sa déclaration unilatérale a été immédiatement reconnue par des "Démocrates" comme Trump, Bolsonaro, Netanyahu, Macri, Duque. Avec leur aide, il s'est emparé illégalement des biens vénézuéliens à l'étranger. Son " gouvernement " n’est un coup d'Etat pour donner le pouvoir à la bourgeoisie affairiste et à l'impérialisme, et qui, s'il parvient à rallier un secteur militaire, pourra « justifier » l’invasion pour mettre en place un gouvernement fantoche qui essaiera d’éliminer l'influence des puissances impérialistes rivales des États-Unis sur le Venezuela (Union européenne et, surtout, la Chine et la Russie). Si ce plan triomphe, l'Amérique latine sera" normalisée" et totalement soumise aux États-Unis, et les jours de Cuba et de Bolivie seront comptés.

Face à cette situation, les nationalistes bourgeois et ceux qui ont été formés par la pensée stalinienne, avec leur théorie des champs de lutte, serrent les rangs autour de Nicolas Maduro au nom de la défense de la souveraineté. Mais celle-ci ne réside pas dans l'Etat, ni dans le gouvernement en place, mais dans le peuple. Et Maduro ne défend pas la souveraineté, tel que l’a fait, par exemple, la dictature en Argentine qui ne défendait pas réellement la souveraineté lors de la guerre des Malouines ; ce n’était qu'une manœuvre de diversion pour préserver le pouvoir et les privilèges de l'oligarchie antinationale.

D'autres, en revanche, sous-estiment les effets que représenterait une victoire de l'impérialisme et de ses agents (qui élaborent déjà des plans pour légitimer les investissements américains dans le pétrole et la démolition de la Pdvsa (compagnie pétrolière appartenant à l’Etat). Certains d'entre eux qui ont idéalisé dans les années 60-70 le gouvernement révolutionnaire et le capitalisme d'Etat cubain, sont quelques années plus tard, dans un impressionnant revirement, passés au soutien de la dictature en Argentine, qui avait annulé la souveraineté populaire et mettait en péril l'indépendance du pays avec son aventure dans les Malouines.

Aujourd'hui, ils concentrent leurs critiques sur Maduro au même moment où celui-ci défend les intérêts du secteur national bourgeois sur lequel il s'appuie. En rejetant les mesures agressives de l'impérialisme, il défend l'Indépendance Nationale et rejoint de facto la plupart des travailleurs.

Ni la catastrophe économique liée à l'incapacité de Maduro et à l'avidité de la bolibourgeoisie ; ni la répression des grèves par l'Etat vénézuélien bourgeois ne peuvent justifier de mettre sur le même plan l'impérialisme et ses agents locaux, et le bonapartiste de Maduro et les travailleurs vénézuéliens.

Guaidó ne veut sûrement pas d’élections qu'il perdrait entre autres parce qu’une bonne partie de son électorat qui se recrutait parmi les moins pauvres ou les plus riches, a quitté le pays car ils sont les seuls à pouvoir se payer l'émigration.

À l'heure actuelle, il n'est pas possible de procéder à des élections ou à des référendums (qui les convoquerait ?) et les négociations doivent partir du rejet total des manœuvres américaines, britanniques, des fonds vénézuéliens et du coup d’Etat, elles devront être publiques et s'appuyer sur des mobilisations de masse.

Comme le disait Trotski dans le cas hypothétique d'une guerre entre le Brésil fasciste de l’Etat « novo » de Getúlio Vargas, et une puissance impérialiste "démocratique" : il faut d'abord vaincre l'impérialisme afin de ne pas offrir le drapeau de L'Indépendance Nationale à la réaction locale et, après avoir vaincu celui-ci, il faut organiser l'élimination du gouvernement national oppresseur.

Maduro est à des années-lumière d'Allende. Il n'est pas non plus un Vargas. C’est le gouvernement légitime d'un pays « dépendant » que les États-Unis veulent renverser par la droite - pas par la gauche - pour transformer le Venezuela en une colonie virtuelle, dépendante des Transnationales, pour l’intégrer aux plans yankees de guerre mondiale comme fournisseur de ressources.

Le danger réside dans le fait que les États-Unis et les putschistes finissent par parvenir à un accord contre le peuple vénézuélien et contre Maduro, avec une partie des militaires, pour faire en sorte que le Venezuela retourne à une situation pré-chaviste. Maduro ne représente pas une garantie contre ce danger. Seul le peuple mobilisé pourra empêcher les négociations et les trahisons faîtes dans le secret.

C'est pourquoi il est nécessaire de frapper tous ensemble même avec Maduro et les militaires nationalistes pour, une fois vaincu le coup d’Etat, imposer un gouvernement populaire dépassant la bolibourgeoisie.

Mexico, 29 janvier 2019

 

Mexique :

Indépendance et lutte anti-impérialiste

Par chance, l’histoire du Mexique s’est développée à contre-temps de celles des grandes puissances. Au milieu du 19e siècle la guerre de sécession américaine a bloqué la poursuite de l’expansionnisme yankee qui avait déjà annexé tout le Nord du pays et favorisé l’occupation française. L’approche d’un conflit en Europe (1870), obligea les Français à quitter le Mexique. Quand la révolution mexicaine a éclaté, les Etats-Unis d’Amérique n’étaient encore qu’une puissance régionale qui ne disposait pas d’une armée puissante. Ce n’est qu’après, qu’ils ont commencé à réfléchir comment tirer parti de la Guerre mondiale 1914-18, et pensé à intervenir lorsque l’ambassade américaine a donné son feu vert pour l’assassinat de Madero.

Et si Washington n’a pas envahi le Mexique à la demande de l’Angleterre au moment de l’expropriation du pétrole, c’est que Roosevelt s’apprêtait à entrer dans la seconde guerre mondiale. Dans les années suivant cette guerre, les Etats-Unis ont connu une période difficile, la guerre froide face à l’Union soviétique, la défaite Yankee en Corée, à Cuba, la guerre du Vietnam, avec un complexe militaro-industriel qui fonctionnait à plein et qui a permis au Mexique d’avoir un taux élevé de croissance économique jusqu’aux années 1970.

L’effondrement de l’Union soviétique a porté les États-Unis à la première place comme puissance mondiale, jusqu'à l’effondrement de la Banque Lehman Brothers, la grande crise de 2008 et la croissance militaro-économique rapide de la Chine.

Durant les 36 ans (1982-2018) de cette toute-puissance américaine, les gouvernements néolibéraux et pro-impérialistes mexicains ont transformé le Mexique en une extension virtuelle des USA. Mais une dépendance relativement formelle, car Washington, qui était embourbé au Moyen Orient, a accepté le gouvernement très modéré de MORENA qui favorisait les grandes entreprises, et qui par ailleurs bénéficiait d’un énorme soutien populaire qui a fini par inquiéter l’administration Us.

Le gouvernement de Donald Trump (janvier 2017) est quasi-contemporain de celui d’AMLO (décembre 2018) et cela modifie toutes les cartes. Washington a lancé la « solution finale » contre le Venezuela, et même Cuba, pour discipliner son arrière-cour latino-américaine dans laquelle la Chine a de grands intérêts et où la Russie tente de prendre pied.

Cette ligne pourrait déclencher une nouvelle guerre au Moyen-Orient, parce que c’est l’Alliance de la Syrie avec l’Iran et la Russie qui a vaincu l’État islamique, armé et soutenu par les monarchies arabes, les USA et Israël.
Netanyahu, passible de prison pour corruption et vol, veut trouver une « solution finale » à la question

Palestinienne et s’embarquer dans une aventure contre l’Iran, la Syrie et le Liban sous le prétexte de la présence de soldats iraniens et du Hezbollah à ses frontières, a reçu le soutien de Trump qui veut contrer la route de la soie de la Chine.

Actuellement l’économie américaine a presque retrouvé le plein emploi, tout en réduisant les salaires réels. Mais le complexe militaro-industriel est préoccupé et surveille le grand développement chinois dans la technologie militaire, le domaine de l’intelligence artificielle et le développement d’une nouvelle génération d’appareils électroniques.

Dans le même temps, l’échec des gouvernements « progressistes » Latino-américains ouvre le chemin à des gouvernements soumis à Washington, qui pense maintenant pouvoir passer à l’action.

Déjà sous Chavez, le gouvernement capitaliste de l’Etat vénézuélien raffinait son pétrole aux États-Unis, et faisant confiance d’une manière imprévue au capitalisme il avait déposé ses fonds aux Usa, à Londres et auprès d’autres pays étrangers, fonds qui sont maintenant gelés ou volés.

Le gouvernement de Maduro, avec une inflation de 2500 % en 2018 et de 10000 % en 2019, repose sur un pays divisé qui est retourné au troc et ne dispose pas d’une base logistique efficace pour une guerre moderne.

Les Forces Armées Bolivariennes, par ailleurs, ne sont ni solides ni monolithiques, et alors que les soldats, les officiers subalternes et sous-officiers souffrent de la tragédie économique, de nombreux officiers supérieurs organisent la contrebande, spéculent sur les devises, et volent les sociétés d’Etat.

C’est pourquoi une partie des FAB, voire de la boliburguesia, comme certains ex chavistes, sont en quête d’un accord avec Guaido, dans l’espoir de le modérer, Trump étant derrière Guaido. D'où cet étrange coup d’Etat prolongé dans lequel les putschistes ne prennent pas d’initiatives contre le gouvernement alors que ce dernier s'occupe à parcourir les casernes en incitant à la discipline mais sans organiser la défense populaire ni écraser la rébellion.

Ni la Chine ni la Russie n’iront à la guerre pour le Venezuela, même si elles ont beaucoup à perdre avec ce coup d’Etat qui va imposer une terrible dictature. Seul l’armement massif des travailleurs et une action anticapitaliste radicale pourraient mettre en place un gouvernement nationaliste capable de se défendre.

Nous devons vaincre Trump. Pour maintenir notre indépendance nous devons aider les travailleurs cubains et vénézuéliens à défendre la leur avec notre allié principal : le courant anti-impérialiste et anti Trump du peuple américain.

Mexico 8/02/2019

 

Réformistes, anticapitalistes et socialistes

L’avenir immédiat du Mexique repose sur les relations et les interactions entre, d’une part, les millions de partisans de la réforme qui ont voté MORENA (parti d’AMLO) et, de l’autre, les anticapitalistes qui s’opposent au gouvernement d’AMLO (Andrés Manuel López Obrador) et les révolutionnaires qui offrent une Alternative socialiste au système. Ils ont de nombreuses différences et de nuances, et qui parfois, se croisent et se chevauchent ou s’opposent.

C’est pourquoi il est important d’analyser et de comprendre chacun de ces grands groupes, leurs idées, leur évolution et l’orientation générale des principales tendances internes dans chacune de ces tendances.

« Sans théorie révolutionnaire, il n’y a pas d’action révolutionnaire ». Dans la situation actuelle transitoire et instable entre les classes, la principale caractéristique est l’absence d’un parti révolutionnaire fortement enraciné chez les travailleurs ruraux et urbains, capable d’éduquer et d’organiser de grands secteurs sociaux avec leurs publications et d’imposer une discussion sur leurs analyses et propositions. MORENA n’est pas un parti, il est réformiste, non révolutionnaire, l’EZLN et le CNI ne fonctionnent pas comme un parti révolutionnaire, et les partis socialistes sont pour l’instant uniquement des groupes.

Le PRT, en effet, est la plus grande et la plus ancienne des organisations révolutionnaires aux meilleures propositions, mais qui est encore faible sur les lieux de travail et chez les étudiants. La Coordination Socialiste Révolutionnaire regroupe divers courants trotskistes et partage beaucoup des positions du PRT, mais son hétérogénéité l’amène à hésiter entre des attitudes sectaires ou à se retrouver à la remorque de MORENA.

En ce qui concerne l’Organisation Politique des Travailleurs (OPT) – qui réunit des syndicats combatifs, comme le syndicat des électriciens, et des organisations révolutionnaires, comme le PRT, ressemble plus à l’ébauche d’un parti ouvrier de masse qu’a un véritable parti. Il répond à la nécessité de certains dirigeants syndicaux d’obtenir quelques miettes pour leurs membres en négociant avec le gouvernement, parce que les syndicats sont des instruments de médiation capitaliste. Ils agissent avec l’Etat pour vaincre la résistance de l’employeur et, notamment, dans les monopoles transnationaux, qui forment la majeure partie du capital. La Nouvelle Centrale des Travailleurs (NCP), formée en février 2014 avec des syndicats plus militants est également confrontée à ce verrou.

Sans radios, ni TV par internet, sans un périodique central, tant l’OPT, la NCT que les organisations trotskistes, n'ont pas réussi à convaincre les exploités dont l'idéologie continue d'être celle de leurs exploiteurs, et qui attendent un sauveur pour résoudre leurs problèmes.

En outre dans le cas du PRT et des CSR (centre sociaux radicaux), très actifs dans le domaine social, il n'y a toujours pas assez d'élaborations stratégiques sur le type de société qu'ils proposent comme alternative au capitalisme, ou sur les actions concrètes à imposer à partir de maintenant, par l'auto-organisation, l'autonomie, l'autogestion des colonies c’est à dire les Communautés indigènes, éléments de cette alternative.

Pour sa part, parmi les révolutionnaires non-socialistes, l'EZLN a déjà un quart de siècle et reste essentiel pour la libération nationale et sociale des opprimés et des exploités, mais il n'est pas né anticapitaliste. Au contraire, leur ennemi était initialement le « mauvais gouvernement », et l’EZLN a exigé que les indigènes soient reconnus égaux aux autres citoyens dans la Constitution (libérale) de l'État oligarchique capitaliste.

Ses idées, en revanche, se sont développées pendant des années grâce à une poignée de révolutionnaires liés à la Théologie de la libération et à l’action du diocèse dirigé par l’évêque Samuel Ruiz. Sa vision religieuse bâtie sur l’opposition entre le bien et le mal, de manière absolue, avec le renfort de secteurs paternalistes de la classe moyenne désireux d’être absous de leurs péchés racistes et idéalisant les indigènes, ainsi que le grand passé précapitaliste des Maya devenu un mythe purifié de toute lutte des classes et des atrocités du passé, ont fini par donner à penser à la base zapatiste que c’était là le modèle pour construire l’avenir.

Le soutien des masses en 1988 à la candidature de Cuauhtemoc Cardenas a sauvé l’EZLN de la répression et lui a valu beaucoup de sympathie dans le centre et le sud du pays et dans les grandes universités. Mais en quelques années il a dilapidé ce soutien politique à cause de son sectarisme, ses virages et, surtout, son manque d’idées et de propositions ainsi que son silence total sur les problèmes fondamentaux du pays et du monde.

En se repliant sur la construction d’espaces d'autonomie dans un État capitaliste, l'EZLN a laissé ses bases cuire dans leur propre jus, les a empêché d'éduquer le reste des Mexicains tout en maintenu un sexisme primitif qui s’est exprimé dans les insultes à la mère d'AMLO et le manque d'arguments dans leur lutte équitable contre les projets de celui-ci.

Mexico, 11 janvier 2019

 

Où en sommes-nous ?

Nous venons de conquérir, au Mexique, de nouvelles choses élémentaires qui sont dans d’autres pays, aussi naturelles que l’acte de respirer. Par exemple, nous considérons que celui qui ne vole pas, est vertueux, alors que dans d’autres pays c’est normal et le vol une exception rare. Je me souviens même du grand titre de la première page dans un journal Suisse, en 1952, sur le vol d’un vélo et les hypothèses qu’un tel crime ne pouvait avoir été commis que par un étranger...

Nous essayons avec des efforts énormes, de nous protéger des services de police ou de ceux de l’armée dédiés aux tâches du maintien de l’ordre qui sont contaminés par le trafic de drogue et devenus les exécuteurs de la politique d’immigration de Washington et de l’occupation du territoire national.

Nous essayons d’avoir une justice digne de ce nom, une éducation publique nationale gratuite et de qualité pour tous et dans toutes les langues parlées par les minorités indigènes, un droit du travail (Oui, pour être exploité mais aussi pour manger), la sécurité et l’égalité pour les femmes, une santé publique pour tous, un logement habitable et décent, des droits pour les peuples autochtones, ces colonies internes du capitalisme mexicain.

Nous luttons encore pour garantir les droits de l’enfance, une exploitation rationnelle et renouvelable des ressources, la restructuration du territoire en donnant la priorité aux pauvres, aux travailleurs et à l’indépendance nationale même. Car un pays qui doit verser chaque année 800 000 millions de pesos (41 milliards de dollars Us) pour le service de la dette, qui dépend des envois de fonds de ses travailleurs à l’étranger, qui doit importer son carburant pratiquement d’un seul vendeur qui se trouve être aussi son principal fournisseur de technologie, d’idéologie de toutes sortes de médicaments, de son approvisionnement alimentaire, industriel et culturel ; ce pays n’est pas un pays indépendant.

Nous sommes confrontés à l'immense tâche de moderniser le Mexique et de réaliser pour le pays une démocratie valable, mais totalement incompatible avec la misère matérielle et culturelle de 80% des habitants, avec le plus haut degré d'inégalité sociale, de répression, de morts violentes.

Nous avons fait un pas en avant important, mais le pouvoir n'a pas changé de mains, il reste aux mains des sociétés transnationales, des banques, de la grande industrie nationale et étrangère.

Le succès électoral vient d’une lutte de masse non électoraliste canalisée par un nouveau mouvement-parti inventé pour les élections, qui a repris les revendications populaires. La crainte de la mobilisation populaire en cas de fraude avérée a conduit une partie des capitalistes à accepter la victoire électorale d'AMLO obtenue par la lutte continue, des ouvriers, des paysans, des indigènes, des étudiants et de la population pour se défendre contre les attaques du capital et pour l’aboutissement de leurs revendications.

Nous sommes donc confrontés à un changement gouvernemental mais toujours ancré dans la classe capitaliste, un gouvernement avec une large base populaire, avec des dirigeants et des cadres plébéiens dans l'environnement présidentiel, avec des agents aguerris du grand capital qui impulsent des projets dangereux. Face et contre le bloc de toujours, antipopulaire et anti-national, soutenu par Washington et servi par des « achichincles » (petites mains) pro Usa et par l'ensemble de l'appareil de domination (églises, milieux d'affaires, moyens de communication, télévisions, radios et commandos des forces répressives).

Il y a une scission idéologique dans le front populaire entre les idées et les symboles des dirigeants et ceux des travailleurs.

Ceux qui veulent un changement mais garder le même système avec ses règles existantes. Ils choisissent comme modèle Benito Juárez qui, a eu de grands mérites, a été réélu quatre fois, et qui a chaque fois rendu les riches plus riches, favorisé d'immenses latifundia aux dépens des communautés et des peuples indigènes en s’appuyant sur les États-Unis. Ou Madero, le grand entrepreneur qui envoya l’armée contre le peuple de Morelos et tenta de soudoyer Zapata en voulant lui offrir une hacienda.

Le peuple mexicain, en revanche, s’inspire de Zapata et de Pancho Villa et préfère lutter contre la propriété privée et pour l’ensemble de ses besoins matériels, culturels et politiques. Le danger est constant.

Non je ne me lasserai jamais de répéter que dans l’environnement d’AMLO il y a beaucoup d’Huerta potentiels.
Clemenceau, le vainqueur de la première guerre mondiale, a dit que la guerre était trop sérieuse pour être confiée aux militaires. La politique est également trop sérieuse pour être confiée à des hommes politiques aux valeurs et intérêts différents de ceux qui ont voté MORENA. Ils ne doivent pas s’en saisir même s’ils lâchent à quelques demandes démocratiques (libération des prisonniers politiques, annulation des procédures contre les militants, Commission pour enquêter sur le crime à Ayotzinapa, fin de la Loi de l'éducation, entre autres).

Dans le monde d’aujourd'hui, face à l’éventualité d’une catastrophe écologique et d’une guerre, si l’on veut la démocratie il faut se battre pour une alternative au capitalisme qui porte en lui le chômage, la migration, la famine, la destruction de l’environnement, la répression, l’oppression et la guerre.

Mexico 8 décembre 2019