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Alex Callinicos est professeur d’études européennes au King College de Londres et rédacteur en chef du socialisme International.

L’élite politique britannique, aux prises avec le processus du départ de l’Union européenne, est face à deux contradictions fondamentales. La première découle de l’équilibre des pouvoirs entre l’UE des 27 et la Grande-Bretagne. Étant donné que le capitalisme britannique est fortement tributaire de l’accès au marché européen, l’UE a eu la main lourde dans les négociations de sortie. C’est pourquoi le traité de retrait et la déclaration politique sur les futures relations entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne qui a été signé le 25 novembre a été pleuré à Londres et célébré à Bruxelles.voir l’attaque remarquable par l’ancien gouverneur de la banque d’Angleterre, Mervyn King, 2018.

On peut discuter s’il s’agit ou non d’un bon accord, certains des chroniqueurs les plus intelligents du Financial Times ont ramé à contre-courant en soutenant que Theresa May et Olly Robbins (le fonctionnaire participant aux négociations pour les détails) avaient réussi à obtenir beaucoup de leur homologue de l’UE, Michel Barnier, qui a fait la négociation.Sandbu, 2018 et Münchau, 2018. Mais son contenu était en grande partie dicté par les intérêts du capitalisme britannique étroitement liés économiquement à l’Union européenne.

Le prix de cet accord : garder la frontière ouverte entre l’Irlande du Sud et les Six comtés du Nord, s’est transformé en une formule d’intégration et donc de subordination aux institutions de l’UE et une perte d’influence. Dans cette mesure, les plaintes de « vassalité » des {tooltip}Brexiteers ont une validité.{end-texte}par exemple, sur le traité de retrait, Steerpike, 2018.{end-tooltip}

Il y a un énorme fossé entre leur ambition de « garder le contrôle » et le résultat dicté par la réalité de la situation. Cette contradiction est en grande partie la conséquence d’une autre plus fondamentale.

Il n’y a pas d’endroit viable pour le capitalisme britannique hors de l’Union européenne, ce qui est contredit par le référendum du 23 juin 2016 pour le Brexit. Il suffit de relire trois moments historiques.

Tout d’abord, il y a eu l’effort initial du gouvernement Tory dans le milieu des années 1950 pour boycotter et saboter les négociations menant à la création de la communauté économique européenne, bientôt suivi par près de 15 ans d’efforts déployés par les premiers ministres successifs pour reconnaître que ni la mythique « relation spéciale » avec les États-Unis, ni l’Empire alors en pleine désagrégation, n’offraient une orientation globale viable pour le capitalisme britannique.voir le récit de ce processus d’apprentissage douloureux chez les jeunes, 1998. En second lieu, le gouvernement de Thatcher ayant présidé à la destruction de vastes secteurs de l’industrie manufacturière britannique durant les années 1980, la reconstruction du capitalisme en Grande-Bretagne dépendait de l’accès au marché unique européen. Thatcher a joué un rôle dans la création des multinationales qui investirent en Grande-Bretagne et des banques d’Investissements implantées dans une ville fraîchement déréglementée.il y a une crispation sur cette transition, Edgerton, 2018, chapitres 18-20. Troisièmement, le lancement de l’euro en 1999 a donné un nouvel élan à la City. Alors que la Grande-Bretagne avait gardé la livre sterling, elle a dominé les échanges en monnaie unique européenne.

La Grande-Bretagne avait un double statut dans l’UE, mais restait toujours étroitement alignée sur les États-Unis ; en dehors de l’euro, mais dans le plus important marché financier de l’Europe. Une position idéale pour un capitalisme britannique qui n’est plus une puissance impérialiste, mais qui continue à jouer un rôle dans la globalisation.voir Norfield, 2016, qui permet à la Grande-Bretagne de rester en Première League. Le Brexit a théâtralisé le conflit entre cette réalité fondamentale et la politique domestique et joué un grand rôle de division sur l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Comme le journaliste immensément pro-européen, Hugo Young l’a reconnu, « L’entrée était censée régler le destin national de la Grande-Bretagne, mais en politique, rien n’a été réglé. Elle est devenue immédiatement un agent de fracture, et non de guérisonYoung, 1998, p258.».

Les deux partis dominants, Tory comme Labour se sont divisés sur le Brexit.

A l’origine, l’Europe a divisé le parti travailliste, d’une part son aile gauche qui s’opposait à l’adhésion à la CEE et de l’autre son courant de droite pro-européen ; il a éclaté en 1981 pour former le parti Social-démocrate (SDP). Mais l’impact combiné des divisions par rapport à l’Europe, la chute de Thatcher en 1990, la sortie humiliante de la Grande-Bretagne du mécanisme de change européen sous son successeur John Major en 1992, ont fait de l’Union européenne une question toxique pour le parti Tory.Callinicos, 1997. Plus de 20 ans plus tard, David Cameron a cru en un plan astucieux pour débarrasser les Tories de l’incube européen par la tenue d’un référendum sur l’adhésion ou non de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. En l’occurrence, bien sûr, il a réussi seulement à mettre fin à cette adhésion et à sa propre fonction de premier ministre.Callinicos, 2016.

Comme plusieurs commentateurs l’ont dit, le Brexit a agi comme une toxine, pulvérisant la cohésion politique du gouvernement (dix démissions ministérielles depuis juillet) et de l’arrière-ban Tory, forçant le premier ministre May à l’humiliant appel du vote des Communes du 11 décembre pour la sortie de l’Europe, puis un vote de confiance qu’elle a perdu n’ayant pas réussi à convaincre.

Il pose un dilemme difficile pour Jeremy Corbyn. Il est clair pour les personnalités les plus impliquées - y compris May elle-même - que le slogan d’une « Grande-Bretagne Globale » est une pure fantaisie.

L’hostilité unilatérale de Donald Trump vers l’Union européenne semblait offrir aux Tories une autre direction pour le capitalisme britannique, tout en laissant présager une négociation difficile pour tout futur accord commercial, et même si finalement un accord favorable était conclu, il serait peu probable qu’il parvienne à réduire radicalement la dépendance de la Grande-Bretagne au marché européenl’évaluation détaillée à Stafford, 2018, suggère que, bien que certaines activités financières partiraient vers le continent, Londres continuera de dominer les domaines clés comme le négoce d’actions et des dérivés et de fournir les infrastructures pour une masse énorme de transactions financières internationales. (bien que probablement la City puisse s’épanouir dans tous les cas).

Mais Trump n’offre pas une alternative cohérente à la stratégie traditionnelle de l’impérialisme américain, qui a consisté à soutenir l’intégration européenne dans le cadre de l’alliance atlantique, car du point de vue des sections principales de la classe dirigeante américaine, la Grande-Bretagne a opéré un recul politique en abandonnant son rôle traditionnel d’alliée clé de Washington à Bruxelles.

Le Brexit dur préconisé par les ultras conservateurs tels que l’absurde Jacob Rees-Mogg perturberait les échanges outre-Manche sur lesquels reposent l’économie britannique.

Comment alors rester proche de l’Union européenne tout en respectant le vote du Brexit ? C’est toute la difficulté pour Th May, que Corbyn a esquivé en prenant une position ambigüe afin d’éviter de renforcer les divisions entre les militants et les électeurs du Labour pour orienter leur attention sur les difficultés des Tories ; maintenant que l’accord a été conclu, et que la position de May s’érode rapidement, il lui est beaucoup plus difficile de maintenir cette position.

La difficulté de Corbyn dans sa confrontation avec May est que tous deux ont interprété le résultat du référendum comme un rejet de la libre circulation des citoyens européens. Cela - dicté dans le cas de May par ses propres préjugés de base, mais pour Corbyn c’est une réponse pragmatique aux pressions de dirigeants syndicaux et de l’aile droite du Labour - a rendu plus difficile l’accord avec l’Union européenne, parce que la libre circulation est l’une des quatre « libertés » fondamentales, un dogme que Bruxelles cherche à imposer à ses voisins.les autres libertés sont les biens, les services et les capitaux : voir Barnard, 2016. Et qui a joué pendant la campagne référendaire en faveur du racisme anti-migrants de la droite Tory et de l’UKIP.

Malgré la condamnation globale de l’accord, en particulier dans le parti Tory, May semble réellement croire qu’elle peut, en fin de compte, obtenir gain de cause. Son calcul était sans doute que, comme l’accord ne satisfait personne - les Brexiteers veulent une rupture nette avec l’UE, les Remainers ne veulent pas la quitter -, si un nombre suffisant de députés le considèrent comme un moindre mal, elle peut réussir, en offrant suffisamment de répit pour certains Brexiteers, et assez d’engagement continu avec l’UE pour la plupart des Remainers.

Au lieu de cela, elle n’a seulement réussi qu’à pousser beaucoup de Remainers, conservateurs fidèles des Tories, à l’opposition aux côtés des ultra-Brexiteers. Mais il est clair qu’elle pensait qu’il était possible d’obtenir plus de concessions de l’UE. D'où sa rencontre avec les dirigeants européens et le report du vote du 11 décembre. Toute personne qui lui succèderait au 10 Downing St si elle tombe, n’aura pas d’autre position.

Quelle est l’offre de l’UE à la Grande-Bretagne ?

Ses dirigeants ont évidemment insisté sur le fait que l’accord du 25 novembre est définitif, mais pour répondre à la question, il faut creuser un peu plus. Les 27 de l’UE ont choisi une ligne de négociation dure avec la Grande-Bretagne, en partie pour faire un exemple qui découragera n’importe quel autre État membre tenté de quitter l’UE.

Mais il y a des considérations probablement plus importantes découlant de la nature de la concurrence dans le capitalisme contemporain. Un certain nombre de commentateurs ont souligné que l’obsession de Trump sur la tarification était démodée. Les Grandes puissances commerciales s’affrontent sur les systèmes de réglementation qui régissent l’accès à leurs marchés respectifs. Barack Obama a conçu le Partenariat transpacifique (TPP) comme un moyen de veiller à ce que la région cruciale Asie-Pacifique soit dominée par un système de réglementation qui écarte la Chine.

La crise de la zone euro a permis de dramatiser le caractère de plus en plus dysfonctionnel de l’union monétaire et de la politique de l’UE, mais Bruxelles a été extrêmement efficace dans l’élaboration d’un système de règlements qui régit le Marché unique européen tout en les exportant vers le reste du monde. Le Financial Times a fait remarquer il y a plus de dix ans :

« Parfois volontairement, parfois avec les dents serrées et parfois sans même le savoir, les pays du monde entier importent les règles communautaires. C’est une tendance qui a suscité des inquiétudes chez les dirigeants d’entreprises étrangères et qui irrite les décideurs américains. Mais qu’ils le veuillent ou non, les producteurs de riz en Inde, les utilisateurs de téléphones mobiles à Bahreïn, les fabricants de briquets en Chine, les producteurs de produits chimiques aux États-Unis, les comptables des entreprises au Japon et les logiciels en Californie ont tous constaté que leur vie commerciale est façonnée par les décisions prises dans la capitale de l’UE. »

« Bruxelles est devenu le pionnier mondial de règlement » dit David Vogel, professeur en droit des affaires et de politique publique à l’Université de Californie, Berkeley. Le Prof. Vogel pointe qu’aux États-Unis même – qui est la nation la plus puissante du monde avec la plus grande économie - il est de plus en plus difficile d’échapper aux griffes de la machine réglementaire de Bruxelles : « l’impact relatif de la réglementation européenne sur la politique publique américaine et les entreprises américaines a été considérablement améliore. Même si un pays n’adopte pas les normes [européennes], les entreprises qui exportent vers l’UE le doivent. Et puisque la plupart des entreprises exportent vers l’UE, elles ont adopté les normes plus strictes de l’UE ».

L’émergence de l’Union européenne comme créateur de règles mondiales a été possible grâce à un certain nombre de facteurs, mais le plus important est la taille et la sophistication réglementaire du marché intérieur de l’Union. L’expansion rapide du bloc économique à 27 pays, avec un total de plus de 480 millions de consommateurs largement nantis, a transformé l’Union en un marché le plus grand pour les importations et le plus rentable du monde. Dans le même temps, la volonté de créer un marché des biens, services, capitaux et du travail pan-européen sans frontières, a déclenché un programme extrêmement ambitieux d’une convergence réglementaire et législative entre les régimes nationaux.Buck, 2007. Consultez également les présentations de Barnard, 2016, chapitres 1 et 15

Le conflit entre l’UE et les États-Unis sur le régime des réglementations a été l’une des principales raisons des difficultés de la négociation du TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) entre Washington et Bruxelles bien avant que Trump ne remporte la présidence, et du PPT (Traité Transpacifique) entre les Usa et l’Asie (même si ce dernier survit sous une direction japonaise). Le ralentissement de la croissance du commerce mondial depuis (qui a peut-être accéléré la guerre tarifaire du Trump avec la Chine) est susceptible d’exacerber le conflit entre des régimes de réglementation rivales.voir, sur l’accélération dans le ralentissement du commerce, Roberts, 2018.{end-texte}

Le mécanisme qui permet à l’UE d’exporter ses règlements consiste en la conclusion d’accords d’association avec les États voisins. Stephen Adams, un ancien fonctionnaire du département commerce de l’EU, a dit que « les accords d’association ... sont conçus pour transformer les partenaires régionaux de l’UE en {tooltip}satellites réglementés{end-texte}barker, 2018a. ».

Actuellement la Commission européenne essaye de renégocier une série d’accords bilatéraux avec la Suisse qui lui donnait accès au marché unique et lui conservait le droit de négocier des accords commerciaux avec d’autres pays - exactement ce qui risque d’arriver à May et la Grande-Bretagne.

Le Financial Times donne un avant-goût des efforts de Bruxelles pour réduire la marge de manœuvre de la Suisse : Frustré par les réponses suisses évasives de l’an dernier, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a finalement perdu patience et a demandé à son équipe « trouvez-moi un bâton », selon un diplomate de haut rang de l’EU. « Et ils l’ont fait. » En ouvrant aux Suisses l’accès au marché des actions, mais en le limitant à un an, la Commission est en mesure de fabriquer un genre d’effet « levier » qui pourrait être pris au sérieux à Berne. Un dirigeant d’investissement à Zurich a averti qu’une rupture avec Bruxelles sur le marché des actions « couperait la Suisse du cœur du système financierAtkins et Barker, 2018. ».

La Grande-Bretagne a donc essayé de conserver l’accès au marché unique exactement au moment où l’UE était déterminée à lier cet accès à une subordination à son régime de réglementation (renforcée par la perspective du Brexit). L’avantage de la négociation est toujours fermement du côté de l’UE des 27, dont l’économie fait six fois la taille de la Grande-Bretagne. Mais il est important de voir qu’en dépit de cette asymétrie de puissance dans la négociation entre les deux parties, la Grande-Bretagne, toujours la cinquième plus grande économie du monde est le centre de la finance international, est perçue comme une menace pour l’UE des 27.

La France, tout en cherchant activement avec un certain succès de piquer à la City la finance pour l’attirer vers Paris après le Brexit, a pris au sérieux les menaces non voilées de May et de Philip Hammond de transformer la Grande-Bretagne en une sorte de Singapour européen qui, avec l’absence de réglementation et une faible imposition, serait une terrible concurrence pour les entreprises basées dans l’UE.

Ainsi, parce que l’UE craint qu’une administration Trump hostile à l’Union européenne pourrait encourager la Grande-Bretagne à agir comme un pirate offshore déréglementé, la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark ont avec succès milité pour inclure dans les dispositions transitoires pour le Brexit, le maintien d’une « égalité des chances » entre la Grande-Bretagne et les 27 qui permet aussi à la Commission et la Cour de Justice européenne de contrôler le soutien de l’Etat à l’industrie (un coup sévère porté à Corbyn).

Cette dimension de la concurrence entre impérialismes donne la mesure des négociations sur un accord de commerce final entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne. « La force est avec nous » jubila Martin Selmayr, ex-chef d’état-major de Juncker qui a été son candidat, très controversé, pour le poste de Secrétaire général de la Commission européenne, à la veille de l’accord entre Londres et Bruxelles. Le deal a été conçu pour mettre La Grande-Bretagne sous la pression de concessions supplémentaires sur la question de la pêche, et pour continuer d’effectuer des paiements selon la réglementation de l’UE sur le commerce.barker, 2018b.

Rien de tout cela n’est de bon augure pour n’importe quel premier ministre britannique qui voudrait modifier ce qui a déjà été convenu. Les dirigeants européens ont jusqu'à présent écarté l’option d’une déclaration juridique qui pourrait rassurer les députés Tories sur le fait que l’ouverture de la frontière intra-irlandaise ne durera pas éternellement.

May et son premier secrétaire Brexit David Davis ont mis beaucoup d’espoir sur les États membres qui seraient touchés par un Brexit non négocié, soit parce qu’ils exportent vers la Grande-Bretagne (la plupart et évidemment Allemagne) soit si la Grande-Bretagne cessait brusquement de contribuer au budget de l’UEje suis reconnaissant pour l’exemple polonais à Aleks Szczerbiak, « L’Impact de la zone euro, les migrations et les Crises de Brexit sur l’euroscepticisme dans les partis politiques », dans le département des études européennes et les études internationales du séminaire, King’s College de Londres, 28 novembre 2018. (pour exemple, la Pologne).

Les Efforts de Londres de jouer États membres les uns contre les autres ont été totalement vains. Angela Merkel, qui a été la femme forte de l’Europe et n’a jamais nourri les espoirs illusoires de premiers ministres quêtant une aide (pas seulement ceux Cameron et May, mais aussi ceux d’Alexis Tsipras), est maintenant préoccupée par la dégradation rapide de sa chancellerie. Elle soutient la ligne dure adoptée par la Commission et Barnier. Peut-être que la perspective d’un Brexit dur, si le gouvernement de May s’effondre, pourrait faire réfléchir les esprits dans les capitales continentales, mais la combinaison de l’intimidation et de la maladresse caractéristique de la politique européenne n’encourage personne à parier là-dessus.

Les calculs politiques de Londres et de Bruxelles s’orientent vers d’autres options.

L’une étant que la Grande-Bretagne sorte tout simplement hors de l’UE le 29 mars sans un accord. Comme c’est une solution impossible pour le capitalisme britannique, et qu’il n’existe pas de majorité parlementaire pour un Brexit dur, diverses façons de ralentir le processus sont explorées fiévreusement. L’une est de gagner du temps pour suspendre l’article 50 du traité de Lisbonne ; en utilisant ce répit soit pour négocier un accord d’association différent, peut-être du style : « Norvège + », c’est-à-dire prenant modèle sur la relation entre la Norvège et l’Union européenne qui garderait la Grande-Bretagne dans le marché unique, mais soumise à la Cour de justice et au maintient de la libre circulation, soit pour organiser un deuxième référendum.

Cette option représenterait une défaite politique majeure pour les Brexiteers, mais ils sont devenus vulnérables par le fait qu’ils refusent d’accepter une alternative cohérente au plan de May, ou, une stratégie d’élimination de de ce plan. Même si Boris Johnson réussit à exploiter le chaos politique pour grimper dans le leadership Tory et peut-être même devenir le premier ministre, sa performance depuis le référendum a confirmé qu’il n’a rien d’un Churchill, et qu’il est opportuniste, raciste et bouffon.

Si les Remainers ont une fenêtre pour agir, c’est maintenant. La Cour de justice a statué que la Grande-Bretagne peut évoquer l’article 50 pour quitter l’UE unilatéralement, sans l’accord des 27.

La campagne pour un nouveau « remain » s’est traduite par une gigantesque manifestation en octobre pour un deuxième référendum, soutenue par la conférence du parti travailliste. Elle exige un second référendum sur l’accord de May, après avoir reculé sur la vraie motivation : une reclassification du référendum sur le Brexit. Leurs arguments sont minables. Voyons l’effort considérable de Polly Toynbee éditorialiste du Guardian et doyenne de la droite du Labour : « En effet, le pendule a balancé lentement : selon le sondage du 20 novembre de YouGov : « Avec le recul, pensez-vous que la Grande-Bretagne doive ou non voter pour quitter l’Union européenne ? », 47 % ont répondu oui et 53 % non. Commentaire du Prof. John Curtice : la bonne vieille Faucheuse va prendre les vieux Brexiteers, ils seront remplacés par de jeunes électeurs passionnés. Quelque 600 000 britanniques meurent chaque année, tandis que 700 000 atteignent l’âge de voter. Peter Kellner fondateur de YouGov estime qu’en raison de la seule démographie, le 19 janvier, juste avant notre départ, la majorité pour le « leave » aura disparue... »

La perspective d’un autre référendum me remplit d’effroi. Les chiffres du scrutin sont beaucoup trop proches pour prédire le résultat. La campagne du Brexit, avait permis une montée de la haine, du racisme, l’intimidation, les fausses promesses et le mensonge. Elle redeviendrait ignoble. La BBC sera-t-elle aussi pusillanime qu’auparavant, en diffusant de manière égale les faits et leurs contraires ? Le mois de la campagne sera atroce et sèmera la discorde. La victoire du Remain amplifierait tout : le plan de May conduira à des années de féroces querelles autour de l’accord final.Toynbee, 2018.

C’est assez méprisable. Toynbee reconnaît que le référendum « sèmerait la discorde », mais elle semble surtout douter du fait qu’un nombre insuffisant d’électeurs âgés du « leave » aient la bonne grâce de mourir pour laisser leur place aux Remainers et leur permettre de continuer la politique étrangère britannique traditionnelle (et leur excellent rapport avec les architectes de la guerre en Irak comme Tony Blair et Alastair Campbell qui mènent la campagne pour un second référendum).

Les défenseurs d’un « Vote populaire » sont dans une position contradictoire. Ils affirment (à tort) que le vote du 23 juin 2016 est un vote raciste et ils soutiennent également (ce qui est en partie vrai) que le résultat encourage le racisme. Ils préconisent un autre référendum, alors que la droite des Conservateurs, l’UKIP (rénovée sous la direction de Gerard Batten par une alliance avec l’extrême droite et Tommy Robinson, ex co-fondateur de l’English Defense League rattachée au Britisch Party fasciste) s’ouvre aux nazis et s’appuiera sur un racisme anti-migrants plus encore que la première fois. Mais les ultra Remainers semblent heureux de payer le prix d’un racisme accru afin de maintenir la Grande-Bretagne dans l’UE.

Il y a deux arguments fondamentaux contre un second référendum. Tout d’abord, l’arithmétique du scrutin n’a pas changé le fait que la société britannique est divisée plus ou moins profondément sur la question européenne. Même si le camp Remain remporterait le vote cette fois-ci, la moitié de l’électorat se sentirait dessaisie de son vote de juin 2016. Deuxièmement, les racistes de droite -Tories, fascistes de l’extrême droite, l’UKIP - seront les mieux placés pour exploiter l’amertume qui en résultera. En principe, Corbyn pourrait l’emporter compte tenu de ses antécédents lorsqu’il critiquait l’Union européenne dans la tradition de Tony Benn. Mais il est lié par le « shadow cabinet » le « gouvernement fantôme » qui rassemble les parlementaires et le personnel subalterne du Labour.

La décision de T. Robinson d’appeler à une manifestation à Londres contre la « Trahison de Brexit » le 9 décembre 2018, c’est-à-dire l’avant-veille de la réunion à la chambre des communes prévue pour le vote sur l’accord, reflète l’existence d’une possible ouverture pour l’extrême droite. Dans les années 1970, le Front National a émergé comme le mouvement fasciste majeur en Grande-Bretagne depuis les Mosleyites des années 1930 (ndr : du nom d’ Oswald Mosley, leader de la British Union of Fascists (BUF)) et a exploité le sentiment anti-immigration de conservateurs en lutte contre leur propre gouvernement. La défaite de May qui ouvre la porte à un Brexit dur pourrait se traduire par un regroupement rapide de l’extrême droite.voir sur le réalignement de l’extrême-droite Raw, 2018.

Le Brexit s’est révélé être un élément de division, non seulement de la société et des grands partis. Il divise aussi la gauche radicale et révolutionnaire. En effet, les désaccords se sont développés bien avant le référendum de 2016 mais ils ont été les plus vifs depuis de nombreuses années.

Il nous faut reconnaître rationnellement que nous étions profondément divisés face à l’UE. Il nous fallait essayer de respecter les arguments des uns et des autres et surtout lever les désaccords sur de nombreuses questions sur lesquelles nous nous rejoignons. Malheureusement, tout le monde n’a pas cette façon de penser. Ainsi, la campagne de la gauche Remain : « Une autre Europe est Possible » a exigé que la contre-manifestation antiraciste et antifasciste à T. Robinson du 9 décembre, prenne une position anti-Brexit. Un des organisateurs a justifié cette démarche qui sèma la discorde ainsi : « la gauche doit maintenant faire un choix. Comme l’extrême droite et le projet du Brexit se croisent, elle peut relier ces points pour lutter contre la politique du Brexit et présenter une vision radicale élargie pour la société. Ou elle sera hors HistoireChessum, 2018. ».

Le problème, est venu en partie de la suggestion qu’il n’y a qu’un seul « projet Brexit » avec sa propre cohérence « politique ».

En fait, nous voyons que les Brexiteers n’ont pas la même vision du Brexit : B. Johnson et Davis ont quitté le gouvernement, tandis que Michael Gove est resté apparemment pour soutenir l’option « « Norvège + ». Il y a beaucoup de différences théoriques et programmatiques qui s’opposent sur l’Union européenne, y compris parfois dans la gauche.pour des exemples récents, voir Lapavitsas, 2018, Elliott, 2018 et Blakeley, 2018. Voir aussi la discussion, Callinicos, 2018, pp13-16.

L’un des grands avantages d’avoir Jeremy Corbyn comme chef du parti travailliste, et John McDonnell comme chancelier du « gouvernement fantôme » a été leur volonté d’explorer une formule de Brexit qui permettait de se libérer du carcan néolibéral de l’UE. Par contre, faire du Brexit un « projet » nécessairement raciste a rejeté les millions de travailleurs qui ont voté pour la sortie de l’UE en juin 2016, et qui ont été dénoncés comme partisans de l’extrême droite. C’est politiquement criminel. De très nombreux dirigeants syndicaux anti-Brexit, qui ont eu douloureusement conscience du nombre important de leurs membres qui ont voté pour le leave, (sortir), ont pris soin d’éviter ce genre de posture méprisante. Heureusement, la pression pour l’unité antifasciste et antiraciste contre la manifestation de Robinson, a été la plus forte.

Au-delà de ces points spécifiques il y a la question plus fondamentale des priorités : quel est le problème le plus important :

l’Union européenne ou le racisme ?

Ce journal s’est longtemps opposé à l’UE analysée comme un impérialisme soi-disant dysfonctionnel qui chercherait à diffuser un néolibéralisme dans ses États membres et dans sa périphérie.voir la réaffirmation de cette position chez Callinicos, 2015. Sur cette base, nous avons soutenu le vote du leave-quitter en 2016. Malgré les critiques de cette position qui apparaissent ailleurs dans ce même numéro, nous ne voyons aucune raison de changer de position. Mais même si nous pensons qu’il est juste de s’opposer à l’Union européenne, nous ne pensons pas que c’est la question la plus importante pour les socialistes.

Le référendum n’était pas proposé par la gauche, il était le résultat d’une manœuvre ratée de Cameron. Cette crise politique et constitutionnelle profonde nous a été imposée en raison des divisions à l’intérieur du parti Tory.
Le sort du capitalisme britannique ne sera pas fondamentalement différent, qu’il soit dehors ou dans l’UE : les projections du Trésor et de la banque d’Angleterre disent que dans n’importe quelle version de Brexit, l’économie de la Grande-Bretagne sera dans une position moins favorable, mais leurs hypothèses sont basées sur des modèles qui se sont souvent révélés erronés.voir la discussion sceptique sur les prévisions désastreuses de la BoE par l’anti-Brexit Paul Krugman, Krugman, 2018.

La perspective de Brexit a simplement mis en évidence les limites de la reconstruction du capitalisme britannique sous Thatcher, Major et Blair, mais ces limites existeraient même si les Remainers avaient remporté le référendum du 23 juin 2016. La dynamique de la crise mondiale va continuer à travailler quoi qu’il arrive le 29 mars, et travailler les peuples qui vont encore faire face à des attaques et ont besoin de se battre dans ou hors de l’UE.

Le racisme, un autre problème. Nous l’avons vu en pleine progression depuis les dernières années du gouvernement Blair et il s’est intensifié depuis le crash et la grande récession en 2007/2009. Le Brexit a redonné confiance à l’extrême droite, mais il n’a pas créé la vague raciste dont ils se nourrissent. Ceux qui tentent d’expliquer cette envolée par le référendum de 2016 ignorent la croissance de l’islamophobie dans les dernières décennies et en particulier à l’ère de la « guerre contre le terrorisme ». L’islamophobie est en effet devenue la forme dominante du racisme aujourd'hui, et il est à remarquer combien les personnalités de l’extrême-droite ciblent des musulmans et dénoncent « l’Islamisation » de l’Europe. La Ligue anglaise de défense et celle de « l’Alliance Lads Football » visent principalement les musulmans.

Trump, à son arrivée au pouvoir a immédiatement tenté d’imposer l’interdiction de la religion musulmane sur les conseils du maestro de l’extrême droite Steve Banon. Il a fait de Robinson un martyr d’extrême droite avec une campagne de mensonges accusant les musulmans d’être les principaux auteurs de la maltraitance des enfants.
Nous voyons la même flambée raciste partout en Europe aux États-Unis et au Brésil. C’est un danger mortel, non seulement pour la souffrance provoquée par des attaques racistes, la mort des migrants en Méditerranée et dans le Sahara, la détresse physique et mentale causée tous les jours par le racisme populaire ou d’Etat, mais aussi par le fait que l’extrême droite et les véritables fascistes comme le parti autrichien de la liberté, utilisent le racisme pour parvenir à influencer le courant politique dominant. Trump, a maintenant des puissants imitateurs dans le genre de Matteo Salvini en Italie ou Jabir Bolsonaro au Brésil.

Voilà la question essentielle : la lutte contre le racisme et l’extrême droite. Quel que soit votre opinion sur l’Union européenne, elle reste une question secondaire.

En refusant d’accepter cette logique, certains Remainers de gauche mettent le soutien à l’UE avant la lutte contre le racisme et le fascisme. Peut-être que le stress de ces dernières années a transformé certains d'entre eux en libéraux de gauche adhérant à l’idéologie de « l’Européanisme » en pensant sincèrement que l’UE est un moteur du progrès. D’autres peuvent espérer que faire campagne contre le Brexit leur donnera raison contre les autres sections de la gauche radicale et révolutionnaire. Mais de nombreux Remainers de gauche tout en ayant une critique de gauche sur l’Union européenne s’opposent au Brexit par la croyance erronée que dans les conditions actuelles il est impossible de faire campagne contre l’Union européenne sur une base socialiste. Nous ne sommes pas d’accord à ce sujet. Mais il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions être ensemble contre l’ennemi principal, les patrons et l’extrême droite que renforce la crise de leur système raciste.
L’une des raisons pour laquelle il est important de ne pas affaiblir davantage la gauche, c’est qu’il est possible de débattre du Brexit sans la lutte fratricide qui existe au sein de la classe dirigeante.

En février 1994, vers la fin d’une présidence qui avait dirigé la France résolument dans une orientation néolibérale, François Mitterrand avait mis en garde : « certaines personnes souffrent beaucoup : Méfiez-vous des révoltes fondamentales, lorsque la raison ne peut plus faire quoi que ce soit ». (24) Cet avertissement s’est trouvé amplement confirmé, plus récemment avec la tentative ratée du néolibéralisme autoritaire de son dernier successeur Emmanuel Macron et par le mouvement gigantesque et totalement imprévu des gilets jaunes qu’il a provoqué. Commentant les affrontements dans le centre de Paris le 1 décembre, un journaliste expérimenté a écrit :

« J’ai vécu en France depuis 22 ans et j’ai été témoin des manifestations de rue des travailleurs, agriculteurs, viticulteurs, camionneurs, cheminots, étudiants universitaires, enseignants, jeunes dans les banlieues multiraciales, chefs, avocats, médecins et policiers officiers. Oui, et même des policiers.

Je n’ai jamais vu le genre de destruction aveugle qui m’a entouré sur une des rues les plus smart de Paris le samedi — une telle haine hystérique, dirigée non seulement vers la police anti-émeute, mais contre les sanctuaires de la République Française elle-même comme l’Arc de Triomphe. La bataille de 12 heures est allée au-delà des manifestations violentes, au-delà des émeutes, à un point d’insurrection, de guerre civile même ... tandis que la foule du samedi était majoritairement blanche mais (il y a beaucoup de gilets jaunes noirs et bruns) ce mouvement montre jusqu’à présent peu de signes extérieurs de racisme ou d’un nationalisme exacerbé.
La plus grande partie du mouvement représente une véritable détresse économique et sociale dans une France périphérique et centrale, qui, avec quelque raison, dit qu’elle est méprisée et fiscalement exploitée par les villes prospères du pays. Une partie des médias Français suggère que les manifestations du samedi ont été détournées par des sectes ultra-violentes de gauche et d’extrême droite. C’est un mensonge.

Il y avait des groupes d’hommes masqués, des jeunes parmi les 5 000 personnes sur l’Etoile et ses avenues rayonnantes, mais ils étaient une minorité. La grande majorité des émeutiers sont, d’après moi, des hommes et des femmes entre trente et quarante ans, venant des villes rurales en France du Nord ou l’Ouest et de la banlieue du grand Paris. Ils sont venus vêtus et armés pour le combat.Lichfield, 2018. »

Plus importants que la destruction causée ce jour-là il y a l’ampleur du mouvement et sa capacité d’auto-organisation au-delà des partis établis et même des syndicats. Un journaliste de Bloomberg a émis l’hypothèse que la Grande-Bretagne pourrait avoir ses propres gilets jaunes : « Que se passerait-il si les voies traditionnelles influant sur les changements ne fonctionnent plus ? Que se passerait-il, dire, si la sphère politique devient tellement instable qu’elle n’a plus de vision politique claire ; Si le gouvernement cesse d’être responsable et devient incohérent ? La Grande-Bretagne va peut-être le savoir. »

Le vote Brexit 2016, comme les manifestations contre Macron, représentent un rejet de l’ordre politique établi et une insatisfaction face au statu quo... Mais le risque est encore plus grand pour le gouvernement du Royaume-Uni avec le Brexit.
Les arguments pour quitter l’Union européenne ont été largement débattus. Il est juste de dire que les années d’austérité, de faible croissance de la productivité, la baisse ou la stagnation des salaires et la hausse des inégalités en Europe même, ont permis d’en faire un bouc émissaire utile. Les problèmes sous-jacents au vote du Brexit en 2016 ne sont pas vraiment traités par le gouvernement englué dans les préparations et les négociations pour le retrait. Pendant ce temps, les divisions autour du Brexit risquent d’attiser les angoisses populistes avec des conséquences imprévisibles.

Macron, malgré son faux pas et ses imperfections, a dit au moins aux électeurs que le changement qu’il allait apporter serait une période pénible au début. Comparer cela avec ce que dit Theresa May : « Brexit signifie Brexit et nous allons faire un succès de celui-ci. » May fait des promesses aux Brexiteers alors qu’elle ne peut pas tenir le contrôle total sur les lois, l’argent et les frontières. Elle a promis aux électeurs que l’accès aux marchés de l’UE seraient maintenus, bien que cela ne soit pas en son pouvoir.Raphaël, 2018.

Au milieu de la tourment politique et peut-être économique, avec une classe politique dans une impasse à la mexicaine et les grandes entreprises à la recherche d’une issue en leur faveur, il pourrait surgir autour du Brexit un sentiment de trahison. L’extrême droite tente de se préparer à une telle explosion. La gauche radicale et révolutionnaire devra éviter d’être prise au piège par le débat au sein de la classe dirigeante. Nous devrions plutôt nous tenir prêts à promouvoir et à aider « les révoltes fondamentales ».

International socialism, 13 décembre 2018

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