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Jonathan Cook journaliste anglais basé à Nazareth en Israël.

Le président Donald Trump en déplaçant l’an dernier l’ambassade des Etats-Unis dans Jérusalem occupée, a saboté tout espoir d’établir un État palestinien viable, en rompant avec les règles internationales.

En se référant à ce gros morceau de territoire qu’Israël a récupéré sur la Syrie en 1967, Trump a immédiatement lancé un tweet : « après 52 ans, il est temps pour les Etats-Unis de reconnaître la souveraineté d’Israël pleine et entière sur le plateau du Golan, qui est d’une importance stratégique pour la sécurité de l’Etat d’Israël et la stabilité régionale. »

Israël a expulsé 130 000 Syriens du plateau du Golan en 1967, sous le couvert de la guerre des Six jours, et annexé le territoire 14 ans plus tard en violation du droit international. Une petite population druze syrienne est seule survivante de cette opération de nettoyage à caractère ethnique.
Les colons juifs et les entreprises d’Israël se sont immédiatement rendu dans le Golan, reproduisant leurs actes illégaux dans les territoires palestiniens occupés.

Jusqu'à présent, aucun pays n’avait reconnu la loi autorisant Israël au pillage. En 1981, les États membres des Nations Unies, dont les États-Unis, avaient déclaré les efforts israéliens pour changer le statut du Golan comme « nuls et non avenus ».

Mais ces derniers mois, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a commencé à intensifier ses efforts pour briser ce vieux consensus et gagner le soutien de la seule superpuissance mondiale.

Il s’est mis en action lorsque Bashar Al Assad – avec l’aide de Russie – a commencé à inverser avec fermeté les pertes territoriales, dont le gouvernement syrien avait souffert pendant cette guerre de huit ans.

Les combats ont entraîné une foule d’autres acteurs. Israël, a même utilisé le Golan, en Syrie méridionale, comme base de lancement d’opérations secrètes pour aider les opposants à Assad, y compris les combattants de l’État islamique. L’Iran et la milice libanaise du Hezbollah, pendant ce temps, ont tenté de limiter la marge de manœuvre d’Israël au profit du leader syrien.

La présence de l’Iran a offert à Netanyahu de justifier publiquement la nécessité pour Israël de prendre la possession permanente du Golan, le qualifiant de tampon vital contre les efforts Iraniens d’ « utiliser la Syrie comme une plate-forme pour détruire Israël ».

Avant cela, quand Assad était en perte de vitesse face à ses ennemis, le dirigeant israélien s’exprimait d’une manière différente. Ensuite, il a fait valoir que la Syrie se disloquait et que son président ne serait jamais en mesure de récupérer le Golan.

La position actuelle de Netanyahu n’est pas plus convaincante que l’autre, antérieure. La Russie et les Nations Unies ont déjà bien avancé sur la réhabilitation d’une zone démilitarisée du côté syrien comme ligne de séparation des forces, qui garantissait que l’Iran ne pourrait ne pas se déployer à proximité du plateau du Golan.

Lors d’une réunion entre Netanyahu et Trump à Washington, lundi soir, le président a transformé son tweet en un décret exécutif.

Le timing est important. Il s’agissait d’une autre tentative grossière de Trump de s’immiscer dans l’élection d’Israël du 9 avril. Il fournissait ainsi à Netanyahu un énorme soutien alors qu’il se battait contre les actes d’accusation de corruption et de la menace crédible d’un parti rival, bleu et blanc, dirigé par des généraux de l’ancienne armée.

Netanyahu pouvait à peine contenir sa joie après le tweet de Trump, il lui a répondu : « Vous avez fait l’Histoire ! »

Mais, en vérité, ce n’était pas un caprice. Israël et Washington sont d’accord depuis un certain temps.

En Israël, Netanyahou a le soutien des partis pour garder le Golan.

Michael Oren, un ancien ambassadeur israélien aux Etats-Unis et un confident de Netanyahu, a officiellement lancé l’an dernier un projet de colonisation pour quadrupler la taille de la population de colons du Golan, à 100 000, en une décennie.

Le département d’Etat américain a confirmé cette opération le mois dernier quand il a inclus, pour la première fois, le plateau du Golan dans la section « Israël » de son rapport annuel sur les droits de l’homme.

Ce mois-ci, le sénateur républicain Lindsey Graham a fait une tournée du Golan dans un hélicoptère militaire israélien, aux côtés de Netanyahu et de David Friedman, ambassadeur de Trump en Israël. Graham a dit que son collègue le sénateur Ted Cruz devrait faire pression sur le président des Etats-Unis pour changer le statut du territoire.

Trump, dans le même temps, n’a fait aucun mystère de son dédain pour le droit international. Ce mois-ci, ses fonctionnaires ont interdit aux États-Unis l’entrée du personnel de la Cour pénale internationale, basée à la Haye, qui enquête sur des crimes de guerre US en Afghanistan.
La CPI s’est faite des ennemis de Washington et d’Israël dans ses tentatives modestes de les tenir responsables ensemble.

Pour Netanyahu, quelle que soit la nécessité d’écarter une menace iranienne, Israël a des raisons autres, plus concrètes de conserver le Golan.
Le territoire est riche en ressources hydrauliques et offre à Israël un contrôle décisif sur la mer de Galilée, un grand lac d’eau douce qui revêt une importance cruciale dans une région faisant face à des pénuries d’eau toujours plus grandes.

Les 1 200 kilomètres carrés de terres volées sont activement exploités : vignobles en plein essor, les vergers de pommiers, et une industrie du tourisme qui, en hiver, comprend les pentes enneigées du Mont Hermon.

Comme l’a souligné « Who Profits », une organisation israélienne des droits de l’homme, dans un rapport ce mois-ci, les compagnies américaines et israéliennes veulent y implanter des parcs éoliens pour en commercialiser l’électricité.

Et Israël a coopéré tranquillement avec le géant américain de l’énergie Genie pour la découverte de réserves de pétrole potentiellement importantes dans le Golan. Le conseiller et gendre de Trump, Jared Kushner, a réalisé des placements dans cette entreprise Genie. L’extraction du pétrole allait être difficile, sauf si Israël pouvait affirmer sa souveraineté sur le territoire.

Pendant des décennies les États-Unis ont régulièrement poussé Israël à engager des pourparlers de paix avec la Syrie. Il y a seulement trois ans, Barack Obama avait soutenu une réprimande du Conseil de sécurité des Nations Unies contre Netanyahu pour avoir déclaré qu’Israël ne renoncerait jamais au Golan.

Maintenant, Trump a donné le feu vert à l’annexion par Israël.

Mais, quoiqu’il dise, la décision n’apportera pas la sécurité à Israël, ni une stabilité régionale. En fait, ce « Contrat du siècle » de Trump est un non-sens.

La reconnaissance américaine s’avérera une aubaine pour la droite israélienne, qui a réclamé alors l’annexion de vastes zones de la Cisjordanie et ainsi éloigné la solution de deux États.La droite israélienne peut désormais affirmer : « Si Trump a consenti à notre saisie illégale du Golan, pourquoi pas aussi celle de la Cisjordanie ? »

28 mars 2019