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On sait que les élections européennes sont d’abord un moment pour les peuples de juger l’action de leur gouvernement. On sait aussi qu’elles leur permettent de s’exprimer plus ouvertement, les enjeux européens leur paraissant plus lointains et hors de leur contrôle. Macron a donc lancé toutes ses forces dans la bataille pour les Européennes. Il a même, dans les deux dernières semaines, pris la place de son challenger, Mme Loiseau.

Tous les arguments furent utilisés (« fasciste », « destruction de l’Europe », etc.) contre le RN de le Pen, trop tard. Le « maître des horloges » a perdu. Le résultat est là : La liste RN arrive en tête (23,31 %), comme prévisible, devant celle de la majorité présidentielle (22,41 %) des Verts (13,47 %) et une participation plus forte que celle qui était attendue, 50,12 % et qui a donc profité aux Verts.

Macron en ramenant de manière excessive l’élection européenne à une élection de « mi-mandat » en France, a bel et bien perdu. De peu, certes, mais perdu quand même et Marine le Pen n’a pas totalement tort quand elle déclare qu’il devrait organiser de nouvelles élections législatives.

Mais Macron ne recule jamais. Il fait passer le message par ses équipes politiques comme quoi les Français, qui ont voté pour lui lors de la présidentielle sont toujours là pour soutenir ses actions. En omettant de reconnaître qu’une partie de ses voix vient des « Les Républicains » (Bellamy à 8,5% - Fillon 20% en 2017). Un vote sanction contre Wauquiez, alors que les LR semblent sur le chemin d’une marginalisation irréversible. Siphonnés de part et d’autre par un Macron, qui met en œuvre le programme de réformes libérales des LR, et une le Pen cherchant à « dédiaboliser » et enrichir et une équipe dirigeante RN plutôt faible en plusieurs domaines, les deux veulent pulvériser la « vieille » droite républicaine.

Macron va donc continuer les « réformes » comme celle des retraites. Une énième réforme des retraites remises en permanence sur le chantier depuis plusieurs années. Cette fois-ci il s’agit d’uniformiser les retraites de la fonction publique avec celles du privé, en transformant le mode de calcul actuel pour le remplacer par un système à points dont personne ne sait précisément le prix du point qui sera calculé en fonction de la situation économique du moment !

Macron : un Président sourd aux problèmes réels du pays, un Président qui n’est plus celui des Français mais celui d’une clique réduite à son propre électorat.

Macron a refusé de s’adresser aux Gilets jaunes, de répondre – sauf par une répression brutale – aux questions sur le pouvoir d’achat, la démocratie citoyenne et les perspectives d’avenir de la France.

Le mouvement des Gilets après 7 mois de mobilisations s’étiole dans les récentes manifestations. Il est vrai que la répression a été féroce : 12000 arrestations, 4000 blessés, 11 morts, des blessures graves : énucléations, fractures diverses, etc. Certes les Blacks blocs se sont infiltrés dans plusieurs des manifestations, apportant une violence destructrice des symboles de l’Etat, des Banques, etc. Et l’on peut reprocher à certains Gilets jaunes de les prendre comme alliés, ce qu’ils ne sont pas. Mais cela ne justifie pas ce bilan qui pourrait être qualifié comme celui d’une sorte de guerre civile.

Quoiqu’il en soit le mouvement s’est enraciné, il est têtu et bénéficie toujours de la sympathie d’un grand nombre de Français. Des Ronds-points sont toujours animés, ou se sont redéployés. Certains Gilets jaunes se sont présentés sur des listes différentes à ces élections européennes sans espoir d’être élus, mais pour rappeler la dimension citoyenne de leur mouvement. D’autres se préparent activement pour les élections municipales où ils présenteront des listes, là où ils pourront agir concrètement. Les Gilets jaunes de Commercy continuent quant à eux d’approfondir leur désir de démocratie citoyenne.

L’autre grand perdant de cette élection, c’est la France Insoumise (6,3% à comparer aux plus de 19% à l’élection Présidentielle de 2017).

Mélenchon n’a pas les bonnes lunettes pour lire le pays. Il rate tous ses rendez-vous avec l’Histoire. Quand il prédit « une déferlante populaire sur les Champs Elysées » conduite par la FI, un an après ce sont les Gilets jaunes qui se retrouvent devant l’Arc de Triomphe. Il n’a pourtant pas ménagé sa peine. Des meetings avec son hologramme, 40 livrets présentant ses propositions aux Français dont les Gilets jaunes se sont emparés pour certaines, la mise en place d’une TV : le Media, etc.

Mais voilà, Mélenchon a un gros problème, il pense qu’il est « la recomposition de la gauche » à lui tout seul, qu’elle peut se faire sans alliances avec d’autres forces. D’autre part des tensions sont apparues au sein de l’animation du Media qui ont révélé des luttes intestines entrainant des démissions plus ou moins motivées. Il en a été de même dans la direction de la FI (non élue) et même dans l’entourage de Mélenchon. Parmi ses premiers soutiens, certains ont été « remerciés » ou exclus, toujours sans débat. Les problèmes, ne viennent pas uniquement de Mélenchon lui-même, mais aussi en partie de son aile « gauchiste » qui cherche l’hégémonie sur la direction de la FI.

Quelques jours avant la fin de la campagne électorale, il s’est rendu compte qu’il allait vers un échec. Il a vite proposé alors « une fédération des convergences », sans en préciser ni le comment, ni les contenus. Aurait-t-il compris qu’une « recomposition à gauche » ne peut se faire sans débats avec les autres forces de « gauche » ? Il nous a tellement habitué à tant des changements de pied, que l’on se demande toujours « qu’elle sa stratégie ? » : Parti de gauche, Front de gauche, Mouvement pour la 6ème république, France Insoumise, et maintenant une convergence floue....

Le Parti socialiste s’est déchiré entre Hamon (3,3% avec sa liste Génération.s, « pour la liberté de l’Europe » (sic)) et le PS-Place Publique regroupé autour de R. Glucksman (qui n’a atteint que le score de Hamon à la Présidentielle 2017, 6,2%). Il reste lourdement sanctionné par les électeurs qui ne lui pardonnent pas son tournant « libéral ». Et ce n’est pas Glucksman au passé lui aussi libéral, qui a même été conseiller privé du président géorgien Saakachvili celui qui a engagé une guerre perdue contre la Russie et failli mettre à feu et à sang l’Europe (août 2008), a soutenu Sarkozy, et s’est récemment converti à l’écologie, qui va permettre une reconquête du socialisme en France.

Reste la « surprise » du résultat des Verts de Jadot à 13,47%, 4 points de plus par rapport aux européennes de 2014. Jadot : « Une vague verte européenne, dont nous sommes les acteurs », mais une vague toute relative, sauf peut-être en Allemagne.

Tout comme il y a une part de « votes sanctions » exprimée par les catégories « populaires » dans les votes pour Marine le Pen, il y a aussi chez les Verts une part de « votes sanctions » des catégories plus aisées, déçues par Macron. Mais si les Verts ont reverdi un peu partout en Europe c’est aussi grâce au climat anxiogène créé par les différents appels à sauver la planète, qu’ils proviennent de scientifiques, d’artistes, ou de cette jeune suédoise, qui selon sa mère serait capable de « voir le Co2 dans l’air » ! (Comme Bernadette Soubirous a vu la Vierge à Lourdes en 1858 ?)

Le mouvement écologiste né dans les années 1960/1970 a subi de fortes variations. Vert au cœur rouge au départ, le rouge a rosi au fil du temps pour devenir exclusivement vert, après avoir obtenu des résultats électoraux en dents de scie et connu des ruptures incessantes reflétant quelque peu l’absence d’une ligne politique claire. Il existe 60 nuances de Vert, de la « ligue de défense des oiseaux », en passant par les régionalistes ou le bien-être animal (il est vrai que les conditions d’élevage et d’abattage sont souvent scandaleuses) et la mode du Végan à laquelle d’autres forces politiques semblent se convertir. On a même vu une tête de chien (fort sympathique par ailleurs) sur l’affiche électorale du parti animaliste, hélas il ne lui manque que la parole, mais fait quand même 2,17%, à rapprocher du résultat du PCF à 2,49% ! Un certain retour à une nature si peu naturelle que les Verts fondamentalistes oublient qu’elle a été travaillée par des milliers de générations depuis que l’homme existe. Et aussi globalement un mépris envers le mouvement ouvrier et ses organisations, condamné à être irrémédiablement « productiviste ».
Certes il est nécessaire de comprendre quel est notre impact sur notre environnement ; que la façon de l’exploiter met en danger l’avenir de l’humanité ; mais que nous avons aussi tous les moyens scientifiques pour comprendre et donc y répondre.

Les Verts ont cependant du mal à centrer leur combat contre le mode d’exploitation capitaliste, le fossoyeur de l’humanité, avec ses guerres, sa destruction de l’environnement, et une globalisation qui a enrichi une très petite minorité de « gagnants ».

Les Verts peuvent-ils prétendre être le centre d’une recomposition (à gauche ?) ou sont-ils libéraux compatibles ? Ce n’est pas sûr. Une grande partie des responsables Verts ont déjà été happés par le PS et par Macron, pour rendre leur lutte « plus efficace » ! Or Jadot, n’a-t-il pas déclaré un jour « ne pas être opposé au marché » et un autre se déclarer « anticapitaliste » ? Il est certain que Macron va chercher à les séduire de nouveau pour se donner un visage plus écolo. Il a 3 ans pour cela.

La France est un pays toujours divisé, majoritairement à droite, avec une « gauche » qui ne cesse de perdre du terrain. Reste le vivier irréductible des Gilets jaunes pour rappeler aux Français, au gouvernement et aux forces politiques que la question sociale assortie d’une démocratie citoyenne est prioritaire. Sans programme social, sans redéfinition du contrat républicain pour une démocratie citoyenne, sans Assemblée constituante, Macron va continuer à se trouver face à une détestation et une opposition, toujours plus importantes et qui sait, à de nouvelles formes de résistance à venir.

Les Gilets jaunes de Belleville viennent de rendre hommage aux morts de la Commune de Paris (21-28 mai 1871) au Père Lachaise.

28 Mai 2019