Le conflit indo-pakistanais, une ligne de fracture persistante dans la géopolitique de l’Asie du Sud, a maintenant pris de nouvelles dimensions, évoluant vers une question eurasienne complexe avec l’implication présumée d’acteurs aussi divers que les talibans et Israël.
Les récentes escalades, marquées par l’opération Sindoor menée par l’Inde (timesofindia.indiatimes.com/world/pakistan) en réponse (livemint.com/news/india/india-strikes-terror) à l’attaque terroriste de Panalgam (newsweek.com/kashmir-massacre), et l’opération de représailles pakistanaise Bunyan Marsoos (trt.global/world), soulignent la fragilité de l’architecture de sécurité de la région.
Bien qu’un cessez-le-feu prétendument négocié par les États-Unis, annoncé avec la bravade caractéristique du président Donald Trump, ait temporairement mis fin aux hostilités, sa durabilité reste douteuse. On se souviendra que la médiation par une tierce partie, en particulier sur la question controversée du Jammu-et-Cachemire, a longtemps été un tabou pour l’Inde, qui insiste sur les résolutions bilatérales.
Pourtant, l’implication d’acteurs extrarégionaux et les allégeances changeantes des talibans nécessitent une approche multilatérale plus large. C’est là que réside le potentiel, bien que semé d’embûches, pour l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS de servir de plateformes de dialogue, voire de résolution des conflits.
La complexité de la crise actuelle provient de son enchevêtrement avec des acteurs au-delà du sous-continent. Des rapports suggèrent que les talibans, historiquement un allié du Pakistan, s’alignent de plus en plus sur l’Inde, un développement qui a fait sourciller Islamabad. (ajazzera.com/news25/1/13)
Ce changement a été évident lorsque le ministre indien des Affaires étrangères, S. Jaishankar, s’est entretenu avec le ministre afghan des Affaires étrangères par intérim, qui a condamné l’attaque de Pahalgam, marquant ainsi un rare contact au niveau politique depuis la prise de pouvoir des talibans en 2021. (indiatoday.in/the-lowdown)
Il y a des nuances : la faction talibane de Kandahar, qui entretiendrait des liens avec les autorités indiennes à New Delhi, contraste avec les liens profonds du réseau Haqqani avec Islamabad, ce qui met ainsi en évidence des divisions internes qui compliquent le rôle du groupe. (moneycontrol.com/world/is-taliban-cozying-up-to-india)
En plus de cela, les allégations de soutien israélien à l’Inde, y compris la fourniture de drones faisant partie intégrante de la stratégie militaire de New Delhi, internationalisent davantage le conflit, établissant des parallèles avec les propres différends territoriaux d’Israël. (amu.tv/174800)
Ainsi, le conflit indo-pakistanais n’est plus une affaire purement bilatérale, loin de là, mais plutôt un point chaud eurasien avec des implications mondiales.
L’affirmation de Trump selon laquelle il a négocié le cessez-le-feu a suscité la controverse, en particulier en Inde, où elle est considérée comme un excès qui sape la souveraineté nationale (nytimes.com/2025/05/13/world/india). Les responsables pakistanais, à l’inverse, ont salué la médiation externe, leur envoyé à Pékin approuvant explicitement l’offre de Trump de servir de médiateur sur le Cachemire. Voilà pour le bilatéralisme, car l’ouverture du Pakistan à l’engagement international contraste fortement avec le rejet par New Delhi des rôles de tierces parties.
La prétendue intervention américaine, bien qu’elle soit temporairement efficace, n’a pas le soutien institutionnel nécessaire pour assurer une paix durable, et son annonce unilatérale par Trump avant les déclarations officielles de l’Inde ou du Pakistan a alimenté les réactions politiques à New Delhi. Cela souligne la nécessité d’un cadre multilatéral plus structuré pour s’attaquer aux causes profondes du conflit, en particulier le différend au Cachemire. Pour le dire crûment, le désarroi de l’Occident, évident dans les revendications erratiques de Trump en matière de cessez-le-feu, souligne sa cohérence décroissante dans la gestion de conflits mondiaux comme l’Inde et le Pakistan.
C’est là que l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS pourraient jouer un rôle pivot, malgré leurs limites. L’OCS, qui comprend l’Inde, le Pakistan, la Chine, la Russie et les États d’Asie centrale, offre une plate-forme unique où les deux adversaires sont membres. Cependant, l’absence d’un mécanisme formel de résolution des conflits et la réticence historique de New Delhi à internationaliser la question du Cachemire posent des obstacles importants.
Comme je l’ai noté en 2021 (infobrics.org), le potentiel de l’OCS en tant que médiateur dans les conflits est entravé par l’accent qu’il met sur la coopération en matière de sécurité plutôt que sur la résolution des différends politiques.
Pourtant, l’accent mis par l’organisation sur la stabilité régionale et la lutte contre le terrorisme pourrait fournir un espace neutre pour le dialogue, en particulier compte tenu du rôle potentiel des talibans en tant que facteur de complication. L’Inde a plaidé pour que des cadres tels que le Quad, s’impliquent en Afghanistan – pourquoi pas l’OCS ? Comme je l’ai déjà écrit, la participation de l’Inde au Quad dirigé par l’Occident et à l’OCS est l’incarnation même du rôle de New Delhi en tant que « puissance d’équilibre ».
Quoi qu’il en soit, le programme 2025 de l’OCS, qui comprend des discussions sur la stabilisation de l’Afghanistan, pourrait être mis à profit pour lutter contre le terrorisme transfrontalier – un grief clé de l’Inde – tout en encourageant les mesures de confiance entre l’Inde et le Pakistan.
Les BRICS, quant à eux, présentent une voie complémentaire. Comme je l’ai soutenu en 2022 sur infobrics.org, l’orientation économique des BRICS et l’inclusion de l’Inde et de la Chine – toutes deux méfiantes à l’égard de la médiation dominée par l’Occident – en font un forum potentiel pour la diplomatie douce. La demande du Pakistan de rejoindre les BRICS, bien qu’actuellement bloquée par New Delhi, souligne le désir d’Islamabad de s’intégrer dans ce bloc, ce qui pourrait encourager la coopération. L’évolution du rôle des BRICS dans la promotion du dialogue entre les membres ayant des intérêts divergents suggère après tout, que les incitations économiques pourraient ouvrir la voie à la détente politique. Par exemple, les initiatives conjointes des BRICS en matière d’infrastructures ou de lutte contre le terrorisme pourraient indirectement réduire les tensions en favorisant l’interdépendance, créant ainsi des enjeux pour la paix.
Le principal défi reste bien sûr l’opposition inébranlable de l’Inde à la médiation par une tierce partie, enracinée dans sa conviction qu’une implication extérieure dilue sa souveraineté sur le Cachemire. Cette position est aggravée par la dynamique interne de l’OCS et des BRICS, où le soutien de la Chine au Pakistan et l’équilibre de la Russie entre New Delhi et Islamabad limitent le consensus. De plus, la structure fragmentée des talibans et les rôles présumés de procuration de l’Inde et du Pakistan sapent la confiance. Pourtant, ces défis ne sont pas insurmontables. L’OCS pourrait initier une diplomatie de deuxième voie, impliquant des acteurs non gouvernementaux pour instaurer la confiance, tandis que les BRICS pourraient donner la priorité à la coopération économique pour créer des intérêts mutuels. Les deux plateformes, en raison de leur nature multilatérale, offrent une alternative moins intrusive à la médiation occidentale, dont l’Inde se méfie à juste titre.
L’implication susmentionnée d’acteurs extra régionaux comme les talibans et Israël appelle à une approche plus large du conflit indo-pakistanais. On se souviendra que les efforts unilatéraux ou bilatéraux, tels que la déclaration de Lahore de 1999, échouent souvent en raison de la méfiance ou de facteurs extérieurs (thediplomat.com/2022/05/) L’OCS et les BRICS, encore une fois, malgré leurs limites, fournissent des plates-formes où l’Inde et le Pakistan peuvent s’engager sous le couvert de la coopération régionale, en évitant les sensibilités de la médiation directe. Par exemple, les exercices antiterroristes dirigés par l’OCS pourraient répondre aux préoccupations de l’Inde concernant les milices basées au Pakistan, tandis que les forums économiques des BRICS pourraient inciter Islamabad à freiner de telles activités en échange d’avantages commerciaux. Ces mesures, bien qu’progressives, pourraient renforcer la confiance nécessaire à un dialogue de fond.
En conclusion, l’évolution du conflit indo-pakistanais vers une question pleinement eurasienne, avec une implication présumée des talibans et d’Israël, souligne la nécessité d’approches novatrices de la paix. Le cessez-le-feu de Trump bbc.com/news/), bien qu’il s’agisse d’un sursis temporaire, met en évidence les pièges de la médiation (indiatoday.com/story/india-pakistan/). L’OCS et les BRICS, bien qu’ils ne soient pas conçus pour la résolution des conflits, offrent des opportunités uniques de dialogue en raison de leur orientation régionale et de l’inclusion des principales parties prenantes. En s’appuyant sur leurs plates-formes de renforcement de la confiance et de coopération économique, ces organisations pourraient ouvrir la voie à une Asie du Sud plus stable, à condition que l’Inde puisse être persuadée d’adopter le multilatéralisme. D’une certaine manière, il devrait servir de terrain d’essai pour le multilatéralisme et les mécanismes alternatifs dans le monde polycentrique émergent.
23 mai 2025, InfoBrics.