Hollande, un pas en avant, trois  pas en arrière !

La tactique présidentielle et celle de son gouvernement est confuse. On ne  compte plus les « reculades »,  par exemple en matière de politique fiscale. En effet, il suffit que le patronat du CAC 40 et les Petites et Moyennes Entreprises froncent les sourcils si le gouvernement propose un réaménagement de leur fiscalité pour que la proposition soit remisée dans les limbes. Les Français attendaient une refonte juste de la fiscalité, qui épargne les pauvres et soit progressive en fonctions des revenus réels.  Déception, Hollande est devenu le chantre du contournement permanent des difficultés qu’il rencontre. Il montre ainsi non seulement sa faiblesse et son absence de volonté, mais surtout qu’il sert au mieux les intérêts du patronat et des financiers. (cf. le florilège de titres de la presse depuis l’élection de 2012 en fin d’article), dans l’attente d’une reprise hypothétique de la « croissance », qu’il plombe d’ailleurs avec ces mesures.

Bref, on l’aura compris, c’est le Medef, le syndicat patronal, qui décide de la politique fiscale et sociale de la France, avec l’appui et sous le contrôle de la Commission de Bruxelles. N’oublions jamais que François Hollande, tout d’abord avait appelé à voter Oui au référendum sur la constitution européenne, et ensuite qu’il s’est engagé à respecter la « règle d’or » (maintenir les déficits à 3% du Pib), le contraire de ce qu’il avait annoncé lors de sa campagne électorale ! Il vient de recevoir un« satisfecit de Bruxelles sur le projet de budget 2014 » mais absolument pas des Français.Il lui reste à trouver 60 milliards d’euros de recettes fiscales d’ici 2016 pour respecter cet engagement fait à la  chancelière allemande qui vient d’être réélue au grand dam, disons le, de François Hollande et des Européens du Sud qui n’en peuvent plus.

Il est évident qu’à partir du moment où c’est le patronat qui intervient depuis près de 30 ans, celui-ci  va le faire en fonction de ses intérêts propres, c'est-à-dire de ceux de ses grands actionnaires qui détiennent la majorité du capital, au détriment des salariés voire des intérêts de la France. La volonté de puissance du patronat et des financiers est sans limite. Ils  n’hésitent pas à pratiquer licenciements, restructurations, délocalisations en Europe où ailleurs, à casser l’outil industriel, mais aussi les « acquis sociaux » : baisse des salaires, augmentation du temps de travail, destruction du code du travail, musèlement des syndicats, etc., pour le meilleur rendement et la rente la plus forte à court terme. C’est un chantage permanent. Et là où il faudrait faire face avec fermeté, le gouvernement se montre conciliant.

Alors qui va payer ? Pour faire (petite) bonne figure devant son électorat, le gouvernement a annoncé qu’il allait taxer les entreprises, certes mais avec quelle modestie. Taxées d’un côté mais allégées de l’autre, par la création et de la suppression simultanée de plusieurs impôts. L’un dans l’autre, elles vont au contraire bénéficier d’une baisse de 2,2 milliards d’euros. Et la liste n’est pas terminée… Car il faut ajouter à ce premier ensemble le dispositif du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) qui va conduire, l’année prochaine, à réduire de 10 milliards d’euros l’impôt sur les sociétés, en fonction de leur masse salariale. Au final, celles-ci vont donc bénéficier d’une largesse de 12 milliards et de 20 milliards au titre de l’aide à l’investissement dont l’Etat ne contrôlera pas la destination !  Sans compter que leur taux d’imposition moyen réel tourne autour de 8% (33% pour les Petites et Moyennes Entreprises) grâce à plusieurs subtilités fiscales. En 1986, et le taux d’imposition sur les sociétés était à 45% et pour autant les entreprises ne s’en portaient pas plus mal et les actionnaires rémunérés que si il y avait des bénéfices.

Alors qui va payer ? C’est très simple, les «couches populaires », les « couches moyennes » par une ponction augmentée sur les retraites, les salaires, certains produits d’épargne populaire, une TVA portée à 20%, diverses nouvelles taxes, la réduction de certaines prestations sociales. La liste est longue et l’imagination ne manque pas aux techniciens de la fiscalité et une santé plus chère. Résultat la majeure partie des Français va se retrouver avec une baisse sensible de son niveau de vie, alors que la France compte déjà près de 10 millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (entre 814 et 990 euros), dont la moitié dispose d’un revenu de 485 euros (le RSA, revenu de solidarité active).

Face à cette politique, la grogne populaire se fait de plus en plus forte alors que l’environnement économique, social et politique est de plus en plus désastreux. Rien ne parait  changer depuis Sarkozy si ce n’est pire aux yeux d’une partie de la population, la plus fragile. A chaque jour sa liste de licenciements quel que soit le secteur économique, de fermetures d’usines, de persistance et même de développement du chômage des jeunes comme de celui des plus de 50 ans. Chaque jour semble s’accompagne de  l’annonce d’une nouvelle taxe, du relèvement de tel ou tel impôt, d’une hausse des tarifs des services publics (énergie, transports..).

Jamais un Président de la République n’a été aussi bas dans les sondages que F. Hollande (le dernier le crédite de 21 %). Ce « désamour » est à la mesure de sa politique en faveur de la richesse, de sa soumission aux mesures venant de Bruxelles qui organise une concurrence féroce entre les différents statuts de salariés et leur niveau respectif de salaires, de droits du travail, de protection sociale tout comme est organisée la libre circulation des capitaux avec son pendant  la libre concurrence fiscale.  

On ne retrouve aucun de ses engagements de campagne électorale (hormis les questions sociétales comme le mariage gay et le doute grandit dans la population française et surtout dans son électorat habituel sur ses capacités à gérer les intérêts du pays.

En France, le pacte républicain  repose entre autre sur l’acceptation de l’impôt progressif  (qui date de la Révolution française) et dans la confiance envers l’utilisation et la redistribution qu’en fera l’Etat. C est la marque spécifique de la France par rapport à bon nombre d’autres pays. Or, fait nouveau très grave, ce rapport et la confiance à l’Etat se délite. Une anecdote ? Pas si anecdotique que çà : plus de 35000 Français, « exilés fiscaux », pour échapper à la contribution générale se sont expatriés dans d’autres pays européens à la fiscalité plus souple : Belgique, Suisse, Grande Bretagne, Luxembourg, Monaco etc., et bien sûr, ce sont les plus fortunés. Le manque à gagner annuel est estimé autour de 80 milliards ! L’exode des « émigrés » (qui dure depuis plusieurs années) n’est pas sans rappeler la fuite des nobles et des riches bourgeois à partir du 14 juillet 1789. C’est toujours le mépris et la même haine du « peuple » et d’une société solidaire et égalitaire qui détermine leur fuite.

Certes, F. Hollande subit la fronde d’une droite sans vergogne  aidée en cela par le harcèlement de médias mercenaires ; une droite éclatée qui refuse de tirer  le bilan de la gestion catastrophique du gouvernement Sarkozy (responsable du doublement de la dette extérieure de 600 à 1200 milliards) et qui flirte de plus en plus dangereusement avec le Front National de Marine Le Pen.

Le malaise est si profond, qu’une région, la Bretagne, traditionnellement proche des socialistes vient d’exprimer violemment son refus de la politique actuelle (prenant le prétexte d’une éco taxe européenne touchant les transports routiers de marchandises, décidée par Sarkozy, votée par la droite et la gauche et appliquée aujourd’hui). En réalité, même si il y a très clairement un aspect régional propre à la Bretagne qui s’est souvent soulevée dans son  histoire  contre le pouvoir central, les raisons de cette révolte sont plus profondes et liées à la dégradation de ses emplois et aussi à l’essoufflement de son modèle agroalimentaire productiviste de plus en plus concurrencé par l’Allemagne (qui pratique le dumping social avec ses travailleurs venus de l’Est). On a donc pu voir des agriculteurs, des salariés, des chômeurs, des cadres, des patrons comme des militants d’extrême gauche et d’extrême droite, des syndicalistes, coiffés de bonnets rouges, manifester ensemble pour refuser la dégradation de leur quotidien bouleversé, un avenir incertain y compris celui de leurs enfants : une « jacquerie » qui rappelle les frondes paysannes du 14ème  au 17ème siècle.

Cela dit, le problème est très sérieux et cette « jacquerie » peut faire des petits ailleurs en France, là où des régions traditionnellement industrielles ou agricoles ont perdu beaucoup d’emplois confrontées à la désindustrialisation du pays et de la « concurrence mondiale », c'est-à-dire au dumping social.

Une « jacquerie », une explosion sociale qui peut surgir à tout moment çà et là, mais qui n’a pas de relais politique réel, ni dans la gauche du P.S (soumise à la « solidarité gouvernementale ») ni dans une « gauche de la gauche » très minoritaire. Les seuls qui semblent batailler réellement pour préserver l’emploi industriel, c’est Montebourg (Ministre du redressement industriel) avec son plan d’une trentaine de projets de développement dans le domaine des technologies nouvelles. Encore faut-il qu’il dispose de moyens pour inverser la tendance et redonner espoir dans cette période de compression budgétaire. Et Hamon responsable de l’économie sociale. ils prennent ainsi date avec l’avenir.

La « gauche de la gauche » malgré ses analyses et ses propositions est inaudible et elle apparaît surtout occupée par la question de la tactique électorale pour les municipales de mars 2014. Or le Front de Gauche s’est divisé sur la tactique. Le PCF, dont les élus forment l’ossature qui assure son existence, est partagé. 57% de ses militants parisiens ont décidé l’alliance avec le PS, c’est semble-t-il tout le contraire qui se passe dans les villes de province (comme Lille par exemple) qui préfèrent l’alliance avec le Parti de Gauche et les verts,  J.L. Mélenchon militant pour une alliance avec les Verts. Position  incohérente car les Verts gouvernent avec le Ps. Bref, l’ennemi principal de JL Mélenchon reste le PS, il refuse de mener une politique d’ouverture vers les militants et la gauche du PS.

Il est possible que PCF et Parti de gauche puissent vérifier une fois de plus que leur influence est bien faible. Pas de quoi construire encore une alternative un tant soit peu crédible.

Quant aux syndicats, ils subissent les pertes d’emplois et la disparition d’un grand nombre de leurs adhérents. Ils restent divisés en deux fractions hostiles.

La CFDT qui  maintient le cap de la « réforme » même si celle-ci fini par lui faire  accepter la perte des acquis en contre partie d’un maintien de l’emploi qui ne se réalise jamais.  La CGT au contraire, refuse la fatalité du chômage et lutte pour le maintien de l’emploi et des acquis. CGT qui est d’ailleurs redevenue, l’organisation à rejeter pour une partie de ce patronat « mondialisé ».

Dans l’entreprise Goodyear (pneumatiques), l’américain Titan veut bien racheter l’usine, réembaucher 333 salariés mais après avoir licencié la totalité des 1137 salariés (dont les délégués du personnel) et par-dessus tout il refuse d’avoir à faire avec la CGT ce syndicat qu’il a insulté en le traitant de « fou ». Ces 333 là seront indubitablement livrés à l’arbitraire de ce patron digne représentant des méthodes brutales du patronat américain. D’autre part Titan ne s’engagerait que pour les 4 années à venir ! On peut supposer qu’il espère surtout récupérer la technologie, le savoir faire et hop, les machines se retrouveront en Pologne, comme le dirigeant de Titan l’a lui-même évoqué (supplément du Monde des Entreprises, du journal Le Monde des Samedi 2 au Lundi 4 Novembre 2013) !

Dans ce contexte difficile de guerre de classes, les salariés ne font appel à leurs syndicats et ne se mobilisent que lorsqu’ils se retrouvent dos au mur pour réagir contre les licenciements et l’essentiel des luttes sont des luttes défensives. Et à cette occasion on peut voir resurgir «l’alliance  capital/travail ». Un classique que le capital utilise en direction de salariés fragilisés par la crainte du chômage, une tactique pour dissoudre les solidarités traditionnelles du monde du travail.

Dans un abattoir du groupe Gad (Bretagne) plus de 50% des salariés vont être licenciés. Des grévistes se présentent aux portes de l’entreprise pour obtenir une négociation et de meilleures conditions de départ et de reclassement. Ils se sont retrouvés face aux non grévistes, qui alertés par les cadres, sont sortis de l’entreprise pour agresser et repousser leurs collègues grévistes.

D’autres salariés ont fait parler d’eux. Comme ces salariés du secteur du commerce, généralement non organisés, sans tradition de lutte  qui occupent des postes à temps partiel ou des postes qui sont occasionnellement tenus par des étudiants. Ils se se mobilisent depuis près d’un mois, manipulés par leur direction, pour obtenir l’autorisation du travail du dimanche au mépris de la loi et surtout contre les actions menées par ailleurs par  les syndicats qui au contraire voulaient obtenir pour ces salariés la possibilité de bénéficier un minimum de vie sociale hors de l’entreprise. Bien que près de 30% de salariés Français travaillent aujourd’hui le dimanche, ce travail est  très règlementé et dans certaines conditions. Qu’a fait le gouvernement au lieu de se limiter à réaffirmer la loi ? Il a créé une commission !

On l’aura compris, le « modèle social français » doit être démantelé, réduit à néant afin que puisse s’exercer la « libre concurrence » de salariés ramenés à leur individualité pour qu’ils ne se pensent plus comme classe.

Oui, la situation est relativement grave  Les élections municipales à venir vont certainement se traduire par un fort taux d’abstention et donc dans ce contexte un maintien, voire une petite progression du Front National. Pour les élections européennes qui suivront, il n’y aura pas grand changement ; beaucoup de Français, ceux qui sont délaissés par la gauche et représentent près de la population (ouvriers et employés), n’iront pas voter.

15 novembre 2013

Informations reprises de Yahoo/actualités France :

  • 7 oct. 2013 -: Nouvelle taxe sur les entreprises : pourquoi le gouvernement a reculé. France tv info ... Comme la presse le pressentait au début du mois de septembre, le gouvernement ne mettra pas en œuvre son projet de nouvelle taxe sur les entreprises. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, en a fait l'annonce sur RTL, dimanche 6 octobre. La mesure, censée rapporter 2,5 milliards d'euros en frappant les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions d'euros annuels, suscitait de nombreuses critiques… Dès sa présentation, le Medef avait fustigé cette mesure. "C'est de la folie !", s'était emporté son vice-président, Geoffroy Roux de Bézieux. Cet impôt sur l'excédent brut d'exploitation apparaissait en effet comme une fausse bonne idée : s'appliquant avant l'amortissement des investissements, il aurait pesé beaucoup plus sur les entreprises industrielles que sur les entreprises des services. "Alors que les premières sont nettement plus exposées à la concurrence internationale que les secondes", souligne le magazine Alternatives économiques.
  
  • 4 oct.2013 - Après la fronde des « Pigeons » fin 2012, le gouvernement a reculé, hier, face aux « Poussins », les auto-entrepreneurs furieux du projet de limiter dans le temps leur régime, afin d’encourager la création de sociétés classiques pérennes. Jean-Marc Ayrault a promis que seul le secteur du bâtiment serait touché par cette mesure.
  
  • 28 juillet 2013 - Jean-Marc Ayrault a annoncé, hier, la suppression de l’indemnité versée aux entreprises qui accueillent des apprentis, à l’issue du comité interministériel de modernisation de l’action publique (Cimap). Aujourd'hui, le gouvernement recule et remplace l'aide à l'apprentissage par un nouveau dispositif pour les entreprises de moins de 10 salariés.
 
  • 11 juil. 2013 - Hollande encore plus soumis aux banquiers que Barroso : «  la France a décidé de réduire au minimum le projet européen de taxe sur les transactions financières » ...
  
  • 24 mai 2013 - Le gouvernement recule sur la limitation des rémunérations des patrons. "Il n'y aura pas de projet de loi spécifique sur la gouvernance des entreprises" ...
  
  • 4 oct.  . 2012  - Le gouvernement français va faire marche arrière sur la fiscalité des créateurs d'entreprise, après trois jours de fronde de jeunes entrepreneurs, qui se sont baptisés les "Pigeons" et ont été rejoints par le patronat, contre les mesures fiscales du gouvernement. Ils redoutent de devoir verser 60% de la plus value lors de la revente de leur entreprise.