Ce 20 août, qui se place dans le centième anniversaire de la révolution bolchévique, marquera le soixante dixième septième anniversaire du meurtre au Mexique de Léon Trotsky, Président du soviet de St Pétersbourg en 1905 et en 1917, puis chef de file de la lutte pour la régénération du parti de Lénine et de l’État issu de la révolution qui imposa résolument le combat pour la démocratie interne et la discussion libre pleine d’idées contre le totalitarisme bureaucratique de Staline issu de la fusion entre le parti unique monolithique et l’État, et dans les mains d’une  bureaucratie pseudo socialiste.

Les soviets ou les conseils ouvriers et paysans (ainsi que les conseils de soldats, qui étaient des paysans en uniforme), ont été - en Russie, tant dans les deux révolutions, comme après la première guerre mondiale en 1920 entre l’Allemagne, l’Empire austro-hongrois ou l’Italie - une création directe du secteur culturellement le plus décidé, organisé des travailleurs, et non des partis. En 1905, en effet, le parti de Lénine, les bolcheviks, s’opposaient aux conseils qu’ils ont vu comme concurrents des travailleurs et des organisations paysannes du parti, et à ceux qui se méfiaient, croyant qu’ils pouvaient être manœuvrés par les mencheviks, les anarchistes, les sociaux révolutionnaires, puisque toutes les organisations socialistes s’y retrouvaient, ainsi qu’un grand nombre de personnes sans parti.

Parce que les conseils étaient l’organe politique d’un débat pluraliste et de la coordination de toutes les idées qui ont circulé parmi les travailleurs. C’est pour cela qu’en 1905, Trotski, a présidé l’organisation de l’expression directe de toutes les tendances existantes dans la révolution et s’est retrouvé en 1917 à nouveau diriger les soviets, les conseils pluralistes et démocratiques dans lesquels les bolcheviks devaient gagner la majorité et faire face avec leurs idées et leurs propositions aux autres tendances des travailleurs même majoritaires. Par ailleurs, le gouvernement soviétique dirigé par Lénine n’était pas celui d’un parti unique, ni monolithique. Dans le parti bolchevique, en effet, il y avait la liberté de tendances et une discussion intense entre les différents courants. Plusieurs fois Lénine s’est trouvé minoritaire dans le gouvernement ainsi que parmi les bolcheviks – dans lequel se trouvaient de nombreux anarchistes - les mencheviks internationalistes et les socialistes révolutionnaires de gauche.

La conception de Trotski a toujours été celle de Marx : la libération des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, et non d’une minorité, ou d’une avant-garde autoproclamée. Le parti est seulement un instrument, dans le meilleur des cas un guide et un organisateur, ne se substituant à ceux qu’il déclare servir. Et la base de la construction du socialisme c’est l’autogestion, s’exprimant dans les conseils qui remplissent le rôle de l’État sans y être intégrés, qui légifèrent, contrôlent et décident de tout sur la base d’assemblées et de la libre discussion entre les différentes tendances, organisées en partis ou non.

Déjà au début du siècle dernier, accompagné par Rosa Luxembourg discutant contre l’idée d’un parti aux pouvoirs ultra concentrés, d’avant-garde, défendue en 1903 par Lénine, Trotski avait averti du danger de ce type d’organisation qui annulerait la vie interne et favoriserait la dictature d’un petit nombre et celle d’un patron au sein du parti.

Ce n’est qu’en 1923, après l’échec de sa tentative de régénérer un parti déjà moribond et un système soviétique d’où avaient disparu les soviets (conseils) des années de la révolution qui ne servaient plus qu’aux discussions des conseils municipaux d’un parti sans vie interne, Trotski a soutenu la conception du parti de Lénine. Il l’a fait parce que Staline et ses sbires l’accusaient d’arriviste, d’anti léniniste et d’anti bolchevique, et que la dictature de l’appareil a inventé un marxisme-léninisme qui n’avait rien à voir avec Marx ou Lénine et qui, par la suite, fut transformée en dogme, en orthodoxie, ce qui était une méthode d’analyses révolutionnaires de la société.

Contre cette invention du trotskisme par la bureaucratie au pouvoir, le présentant comme opposé au léninisme, Trotski assuma le nom de bolchevique léniniste, la continuité politique des positions de Lénine et, respectant le parti, lutta lutte contre Staline au nom de la brève période de vie qui avait triomphé en octobre sous la direction de Lénine. Et en ce qui concerne les soviets, il continua à lutter pour leur rendre leur vigueur et qu’ils deviennent indépendants du soi-disant Etat soviétique. A lutter jusqu'à sa mort pour que les conseils - organes de tous les travailleurs dans une entreprise ou une région, syndiqués ou non, membres ou non d’autres partis ouvriers – remplacent les structures médiatrices de l’État comme les syndicats bureaucratisés, pour aider à construire l’indépendance politique et la conscience des travailleurs pour qu’ils affirment leur confiance en soi et développer leurs capacités de décision politique et administrative.

Contre ceux qui pensaient que le socialisme sera donné aux travailleurs comme une nouvelle manne, distribuée par le parti/Etat, Trotski préconisa le socialisme des conseils et l’autogestion. Pas sans contradictions, sans dérives momentanées et excès administratifs, non sans concessions, même à la bureaucratie qu’il détestait et le détestait, mais comme un fil rouge qui a marqué toute sa vie politique, et sa vie consciente.

C’est pourquoi la bureaucratie l’a fait assassiner : il n’était pas assimilable ni corruptible. C’est aussi pour cela que nous devons lui rendre hommage à une époque où certains veulent construire fondamentalement par « en haut » le socialisme avec l’appareil d’État, depuis l’appareil d’État, avec les travailleurs agissant à peine comme une chorale.

Mexico

Octobre 2017